Collaboration dans un environnement virtuel 3D : influence de la distance à l'objet référencé et du 'view awareness' sur la résolution d'une tâche de 'grounding'


1. Introduction

Le développement des technologies informatiques a permis de concevoir des représentations en 3 dimensions [ note 1 ] animées et interactives. Au fur et à mesure, celles-ci ont gagné en réalisme, à tel point que vers la fin de la dernière décennie certains ont commencés à croire qu'elles pourraient se confondre avec la réalité et ils ont introduit le terme 'réalité virtuelle' [ note 2 ] . De nos jours, la RV a infiltré la plupart des activités de la vie quotidienne. Elle n'englobe pas que des représentations en 3D ou en 2D. Grâce à un glissement du concept qui va du perceptif vers le social, on s'accorde à reconnaître comme telle des RV utilisant des descriptions textuelles et avec lesquels il est possible d'interagir avec le clavier d'un ordinateur. La RV peut se vivre seul, par exemple lorsqu'un voyageur, face à une borne touristique informatisée dans une gare surpeuplée, consulte un plan en 3D de la ville qu'il va découvrir. Elle peut aussi être partagée, comme lorsqu'un enseignant, assis seul dans son bureau face à son ordinateur, interagit, dans une salle de cours virtuelle, avec ses étudiants qui se trouvent ailleurs dans le monde. Notre recherche porte sur ce dernier type de situation, plus précisément sur la collaboration grâce aux RV.

La RV permet à plusieurs personnes physiquement séparées l'une de l'autre, d'interagir et de collaborer en se trouvant virtuellement dans le même lieu, le même espace. Mais la médiatisation de la collaboration par la RV engendre un déficit d'informations que les collaborateurs ont au sujet de leurs partenaires. Ces informations, souvent nécessaire pour le processus de collaboration, répondent à des questions telles que : qui fait quoi? où? comment? quand? Concevoir une RV de collaboration nécessite de faire de choix de design, en fonction notamment des technologies disponibles et de la tâche de collaboration, afin de fournir aux collaborateurs les connaissances nécessaires à leur activité.

A travers notre recherche nous nous intéressons à la collaboration à l'aide d'environnements collaboratifs virtuels [ note 3 ] 3D, à savoir quelles informations sont importantes ou utiles à la collaboration dans de tels environnements. Le dispositif expérimental permet à deux sujets, se trouvant physiquement dans une pièce différente, de collaborer 'dans' une RV3D. La tâche qui leur incombe consiste à retrouver un objet parmi d'autres, et de s'accorder à son propos. Nous avons conçu l'ECV de manière à ce que les sujets ne puissent pas utiliser de descriptions verbales ou de gestes pour référer un objet. Mais ils peuvent se déplacer (et se placer) comme bon leur semble et nous leur fournissons dans une des conditions des informations sur le champ de vision de leur partenaire. Nous pouvons donc étudier l'utilisation de certaines caractéristiques de l'espace virtuel par les sujets, ainsi que l'impact de la connaissance du champ de vision du partenaire sur le processus de collaboration.

Dans l'optique de la cognition distribuée, développée dans la section 2, la situation expérimentale mise en place dans notre recherche peut être considérée comme un système cognitif élargit, un système fonctionnel, composé des deux sujets et de l'ECV. Ce système fonctionnel peut être étudié, comme le système nerveux par les sciences cognitives, en se centrant sur le traitement de l'information, c'est-à-dire comment les différents composants du système fonctionnel stockent, traitent, et redistribuent l'information circulant à l'intérieur de celui-ci.

La section 3 amène quelques éléments de définition de la RV et propose une petite taxinomie de termes dérivés, que nous allons utiliser par ailleurs dans le texte. Cette section présentera aussi quelques domaines de recherches voisins utilisant la RV comme moyen pour la recherche, ou comme objet de recherche.

La section 4 développe certains concepts importants à l'étude de la collaboration assistée par ordinateur : 1) le processus de 'grounding', qui permet à deux interlocuteurs (collaborateurs) d'assurer tout au long de leur interaction la construction d'une base commune de connaissances dans laquelle ils peuvent puiser afin d'alimenter la suite de l'interaction ; 2) la notion d'awareness qui rend compte de la connaissance que les collaborateurs ont de leurs partenaires, notamment les connaissances relatives à l'espace de travail ; 3) les propriétés collaboratives intrinsèques de l'espace 'réel' et de l'espace 'virtuel'.

La section 5 décrit la méthode de recherche, notamment le dispositif expérimental, les variables utilisées et les hypothèses de l'expérience.

Finalement, la section 6 décrit les résultats obtenus et discute de leurs implications par rapports aux hypothèses de l'expérience.


Notes

note 1 : Dans la suite de ce texte nous utiliserons l'abréviation '3D' pour '3 dimensions'. [ retour txt ]

note 2 : Dans la suite de ce texte nous utiliserons l'abréviation 'RV' pour 'réalité virtuelle'. [ retour txt ]

note 3 : Dans la suite de ce texte nous utiliserons l'abréviation 'ECV' pour 'environnement collaboratif virtuel'. [ retour txt ]


David J. P. Ott
Last modified: Fri Jan 14 18:38:05 MET 2000