Si la période révolutionnaire fut riche en changements, on constate en revanche que les transformations économiques furent marquées par la lenteur. De nombreux historiens pensent que c'est la Révolution qui a brisé l'élan économique et donc industriel de la France. Ce jugement n'est pas inexact mais il convient néanmoins de le nuancer. Avant la Révolution, on constate en effet quelques progrès; par exemple, des filatures adoptent les procédés de mécanisation anglais mais il s'agit de cas isolés. Si l'on considère les mines du royaume de France, celles-ci ne comptent guère plus qu'une vingtaine de machines à vapeur dont dix appartiennent à la compagnie des mines d'Anzin qui extrait à elle seule la moitié de la production nationale de charbon; là encore nous nous trouvons en présence de cas isolés. Enfin, si l'on prend l'exemple de la fonderie du Creusot fondée en 1782, on voit qu'elle ne parvient pas à produire une fonte au coke de bonne qualité, elle est en cela révélatrice des techniques sidérurgiques françaises qui reposent essentiellement sur la technique de la fonte et du fer au bois.
La France s'est industrialisée après l'Angleterre et a utilisé jusqu'au milieu du XIXème siècle l'énergie hydraulique et le charbon de bois. Si l'Angleterre passe vite au charbon minéral (houille) seul capable d'offrir des quantités massives d'énergie tant mécanique que thermique, ce n'est pas le cas de la France qui manque de charbon minéral. Vers 1780, la production nationale tourne autour de 600.000 tonnes et dépasse les 900.000 tonnes en 1816; à la même époque, la production anglaise s'élève à 17 millions de tonnes. De plus, le charbon français reste cher par rapport à ses concurrents, notamment à cause du prix des transports qui, pour une tonne, s'élève à la moitié du prix de vente. D'une manière générale, l'industrie française utilise largement l'énergie hydraulique (forges, papeteries, filatures textiles) et ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle que la vapeur remplacera l'énergie hydraulique. Au début du XIXe siècle, l'industrie textile est encore largement dominée par la proto-industrie rurale.
Ce premier bilan montre que la Révolution n'a pas obligatoirement brisé un élan industriel encore modeste; par contre, elle l'a sans aucun doute différé. Il ne faut pas non plus oublier que l'un des facteurs déclenchant de la Révolution fut la crise financière dont la France ne sortit que vers la fin du Directoire. De plus, durant la période révolutionnaire de nombreuses guerres éclatèrent créant ainsi des conditions défavorables à un essor économique et industriel. L'effet de la guerre se fait cruellement sentir dans le domaine des transports maritimes; si jusque vers 1790 l'économie française bénéficie de liens avec les grands circuits du commerce maritime mondial, après, elle se retrouve exclusivement continentale et fermée. La période révolutionnaire se caractérise aussi par une très forte inflation qui joue contre les projets à long terme et décourage l'investissement industriel. A ceci s'ajoute d'autres problèmes comme la main d'oeuvre. Cela est dû notamment aux levées en masse de jeunes pour les besoins de la guerre ainsi qu'aux problèmes de ravitaillement qui font que bon nombre d'ouvriers retournent dans les campagnes travailler la terre car, si les salaires sont bas, la nourriture au moins est en général assurée. Reste encore la réquisition d'une partie des animaux de traits qui rend les transports encore plus difficiles.
Cependant des progrès sont perceptibles; par exemple, en 1789, on compte dans le secteur du coton 6 filatures mécaniques, en 1799 elles sont 37. Dans le secteur sidérurgique le contraste est grand entre les usines travaillant pour l'armée et la marine et les autres. On peut dire que de Roland à Neufchâteau le nouveau pouvoir a fait de l'encouragement à l'industrie sa politique constante. Enfin n'oublions pas que le centre de gravité de la société française est et restera jusqu'à la fin XIXème la paysannerie marquée par des habitudes et des capacités d'auto-consommation qui freinent la demande de marchandises manufacturières et donc le processus d'industrialisation.
Dans les villes, les couches populaires ont un faible pouvoir d'achat. Or, ce sont ces catégories qui sont les clients potentiels d'une production standardisée et bon marché, les classes aisées préfèrant les produits de luxe ou de semi-luxe. Ce sont d'ailleurs ces produits hauts de gammes qui seront les meilleures chances de l'industrie française. A ce propos, il est intéressant de noter que lors de l'Exposition Universelle de 1851, on pouvait lire que la qualité française répondait à la rusticité britannique. Dans ce contexte économique, l'initiative de François de Neufchâteau d'organiser une exposition des produits de l'industrie s'inscrit dans une volonté plus large de promotion et d'encouragement à l'industie nationale.