Collaboration dans un environnement virtuel 3D : influence de la distance à l'objet référencé et du 'view awareness' sur la résolution d'une tâche de 'grounding'


7. Conclusions

Nous l'avons évoqué dans l'introduction, concevoir un ECV nécessite de faire des choix de design afin de supporter au mieux la collaboration. Mais ces choix doivent pouvoir être justifiés, et la recherche que nous avons proposé tente d'apporter des évidences expérimentales pour ces justifications. En créant sur mesure un ECV 3D il nous a été possible de tester deux choix de design. L'ECV supporte une tâche de 'grounding', c'est-à-dire le processus par lequel des interlocuteurs construisent une base commune de connaissance. La tâche proposée aux collaborateurs implique de référencer un objet, et doit être considérée comme une fraction de collaboration, une action que des collaborateurs dans un espace de travail réel effectuent à de nombreuses reprises au cours du processus de collaboration. Mais cette action peut devenir problématique dans un ECV.

L'environnement 3D de notre recherche est construit sur un modèle spatial. Les sujets peuvent donc utiliser dans une certaine mesure leurs expériences quotidiennes de l'espace physique afin de se comporter et d'interpréter les comportements de leur partenaire dans l'espace virtuel. D'ailleurs, nous avons vérifié l'hypothèse selon laquelle la proximité en tant que propriété collaborative de l'espace (i.e. je suis près de là où j'agis) joue un rôle non négligeable dans la clarification du contexte de référenciation.

Lorsque plusieurs personnes collaborent dans un espace de travail réel, ils disposent de nombreuses informations à propos de leurs partenaires, facilitant le processus de collaboration. La médiatisation de la collaboration par les RV réduit de manière importante le nombres de ces informations. Mais selon l'optique des outils d'awareness (i.e. les 'awareness tools', abrégé 'AT') il est possible de fournir artificiellement des informations nécessaires aux collaborateurs. A travers notre recherche nous avons donc aussi tenté de mettre en évidence le rôle que joue la connaissance du champ de vision du partenaire dans la collaboration. En utilisant l'illumination d'objets nous avons matérialisé, i.e. rendu visible, ce champ de vision. Mais les résultats infirment l'hypothèse selon laquelle cet AT participe à la clarification du contexte de référenciation. L'AT utilisé pour rendre compte du champ de vision du partenaire, a été un choix un parmi d'autres. Nous aurions pu matérialiser le champ de vision en le délimitant par une matière transparente sur une certaine distance (une sorte de cône de vision). Nous aurions aussi pu représenter le point de vue du partenaire dans une petite fenêtre intégrée à l'ECV. Mais il nous a semblé intéressant d'intégrer l'AT directement à l'espace virtuel, en tant que propriété des objets de l'espace de travail.

Dans l'optique de la cognition distribuée, notre cadre de référence, les collaborateurs et l'ECV forment un système fonctionnel, dont il est possible d'étudier les caractéristiques de traitement de l'information. Dans ce sens la proximité aux objets et la matérialisation du champ de vision, représentent, stockent provisoirement et redistribuent de l'information à propos de l'état de l'exploration et des actions des partenaires au sein de la RV. Ces représentations sont alors traitées par les partenaires et conditionnent leurs comportements à venir. La cognition distribuée nous a permis de conceptualiser la situation expérimentale non pas comme impliquant deux utilisateurs communiquant par l'intermédiaire du canal de le RV, mais comme un système cognitif complexe et dynamique, modifiant sans cesse ses représentations internes afin de construire l'activité de collaboration dans la RV.


David J. P. Ott
Last modified: Fri Jan 14 18:40:44 MET 2000