Avertissement : Ce travail a été effectué pour une évaluation d'un cours de Psychopathologie dans le cadre d'un DES post-grade de Psychologie Clinique à l'Université de Genève. Il a ét´ évalué comme franchement insatisfaisant par rapport au critère du cours. J'accepte cette évaluation... mais tiens a préciser que bien qu'étant conscient des attentes des évaluateurs mon but pour ce travail était de faire une petite revue de la question des effets cognitifs et affectifs des jeux vidéo sur les joueurs. Je tenais à faire ces précision afin que vous, lecteurs, puissiez vous forger votre propre opinion face à vos propres intérêt. Je suis intéressé par ce domaine de recherche et accepte volontiers vos remarques, critiques, renseignements, etc... Je vous souhaite une bonne lecture.
D.J.P.O.

"Le virtuel est façonné par les motions pulsionnelles : accroître la maîtrise par la connaissance, jouer avec ses fantasmes sans crainte d'interdit, aimer sans être rejeté, tuer virtuellement sans détruire vraiment. La progression technique change la mise en scène, la réalité psychique demeure et se reflète dans les mondes virtuels."
Georges et Sylvie Pragier (1995)

Tuer virtuellement sans détruire vraiment


Introduction

Les enfants et adolescents utilisent intuitivement et sans complexes ordinateurs et autres appareils électroniques. Ils acquièrent cette compétence avec aisance et tant mieux, car il est fort à parier qu'elle leur sera utile dans une société qui mise gros sur les puces de silicium. Vu l'importance actuelle de la réalité virtuelle et face à l'importance probable de son développement futur, il est à mon avis important de se demander quel impact cette technologie particulière peut avoir sur le développement cognitif et affectif de l'enfant. [top]

La réalité virtuelle

La notion de réalité virtuelle prend pour les partisans d'une réalité virtuelle "pure et dure" des allures très hi-tech et parfois franchement de science-fiction. J. Lanier en 1986, l'inventeur du terme le définit comme ce qu'il est possible d'appréhender par nos sens dans un environnement immersif interactif. L'explorateur de la réalité virtuelle doit s'équiper d'un équipement spécial pour que ses sens soient en contact avec la réalité synthétisée par l'ordinateur.

De nos jours les "Head-Mount-Display" (casques munis de deux écrans d'ordinateurs miniatures placés tels les verres d'une lunette devant chacun des yeux) et les "datagloves" (gants munis de capteurs mesurant les mouvements de la main et permettant après recodage notamment le déplacement du point de vue de l'observateur et la manipulation d'objets dans la réalité virtuelle) font déjà partie de l'équipement disponible pour les consoles de jeux vidéo et il est possible de se les procurer dans les magasins spécialisés moyennant quelques centaines de francs. D'autres items de hautes technologies, tels que des combinaisons disposant sur tout le corps des capteurs mesurant les mouvements, restent l'apanage de laboratoires spécialisés. Mais restons en là avec la technologie, car elle n'est pas le propos de cette rédaction. L'intérêt de ce travail va se porter sur les impacts psychologiques de certaines de ces technologies.

Je trouve insatisfaisant de restreindre la définition de la réalité virtuelle à la technologie qui la sous-tend. D'ailleurs le sens commun prête à la réalité virtuelle une définition plus large et y intègre aussi les jeux vidéo, les groupes de discussion on-line et des simulations diverses. En général, bien que le degré d'immersion dans la réalité virtuelle est probablement plus élevé avec un équipement sophistiqué, un simple écran d'ordinateur suffit à plonger l'utilisateur dans un monde virtuel. Je me permets de préciser que la réalité virtuelle est avant tout une construction du psychisme face à certains stimuli. Le point étant que c'est l'expérience subjective d'un monde virtuel qui le légitime et non pas l'écran qui l'affiche.

La réalité virtuelle a pour l'observateur un statut phénoménologique un peu paradoxale. Ce n'est pas un rêve, une fabulation ou une construction purement intra-psychique (quoiqu'à la base de chaque monde virtuel se trouve bien l'imaginaire... mais celui du concepteur), car la réalité virtuelle peut s'afficher et a donc une réalité sociale. Mais bien qu'étant objectivable elle n'est qu'une construction. Elle a un statut extra-psychique, partageable par d'autres individus, et pourtant elle n'existe pas physiquement. Ce paradoxe, i.e. être à la fois objectivable et irréelle, c'est peut-être l'envie qu'a la conscience d'accepter de se tromper elle-même afin d'assouvir sa curiosité, qui le rend possible.

Les jeux vidéo ou jeux sur ordinateurs (les deux termes se confondant de plus en plus je n'utiliserai que le terme jeux vidéo pour la suite de la rédaction) exploitent bien ce paradoxe de la réalité virtuelle. Quoi de plus virtuel qu'un jeu; il contient en son essence tous les éléments du réel et pourtant celui qui s'y adonne est conscient qu'il fait "pour de faux". Le jeu vidéo est donc avant tout un jeu, et à l'instar de Winnicott (1975) qui définit l'aire de jeu comme n'étant "pas la réalité psychique interne" et n'appartenant "pas non plus au monde extérieur", nous pourrions dire de l'espace des jeux vidéo qu'il n'est pas une production intra-psychique mais une construction psychique en interaction avec un monde virtuel qui n'est pas réellement le monde extérieur.

Dans la suite de ce travail, je vais me pencher essentiellement sur la question de l'impact des jeux vidéo telle qu'elle a été abordée par les psychologues, psychothérapeutes et psychanalystes, notamment sur les points concernant les rapports entre la société et les jeux vidéo, leurs impacts sur le développement cognitif et affectif de l'enfant. Un fait est a relever d'emblée; la majorité des articles concernant les jeux vidéo (et la réalité virtuelle en général) a été écrit par des psychologues s'intéressant au développement de certains attributs cognitifs tels que les capacités visuo-spatiales et par des sociologues considérant le phénomène de société "jeux vidéo". Plus rares sont les articles traitant les rapports entre jeux vidéo et développement affectif. Plus rares encore sont les articles évoquant les points de vues psychodynamiques sur la question. Face aux possibilités et limitations de chacun des points de vues sur la question, je vais essayer de donner un aperçu général de l'état actuel de la littérature à ce sujet.  [top]

Les jeux vidéo

Jolivalt (1994) définit le jeu vidéo comme étant "un environnement informatique qui reproduit sur un écran un jeu dont les règles ont été programmées". Depuis leurs apparitions au début des années 70, les jeux vidéo sont devenus de plus en plus populaires. C'est un commerce gigantesque à l'échelle mondiale, dont par exemple le chiffre d'affaire annuelle en 1990 aux Etats-Unis dépassait celui des entrées au cinéma (Retschitzki & Gurtner, 1996). Les joueurs sont avant tout masculins et leur âge est compris en 6 et 11. Une étude française montre que parmi tous les jeunes ayant été en contact avec un jeu vidéo il est possible de distinguer quatre catégories de joueurs (Jolivalt, 1994) : les passionnés, les intéressés, les joueurs occasionnels et les réfractaires. Les deux premières catégories représentant en gros la moitié des joueurs intéressés et les réfractaires environ 20 pour-cent. Evidemment, il y a aussi des adultes qui y jouent, mais l'on trouve peu de littératures les concernant.

Le premier jeu sur ordinateur remonte à 1959 (jeu de dames) puis suivirent dans le même style le jeu d'échec, le jeu d'othello, le backgammon, etc. Arrive en 1972 le premier jeu vidéo intitulé Pong, une sorte de squash simplifié, et en 1977 Space Invaders, le premier jeu de combat (spatial). Suivit le célèbre Pac-Man. Au début des années, 80 les jeux vidéo déferlent sur le marché. Mais peu de jeux approcheront le succès commercial de Super Mario Bros. en 1985. De nos jours, les jeux vidéo et ordinateurs se comptent par milliers.

Il est possible d'effectuer un classement parmi la masse importante de jeux vidéo. Retschitzki et Gurtner (1996) relève la typologie suivante : les jeux d'actions, les jeux d'aventure, les jeux de simulation et les jeux de réflexion. Bien sûr, les jeux peuvent appartenir à plus d'une classe à la fois. Il est intéressant de remarquer qu'en 1990 les jeux d'actions représentaient presque la moitié (45%) des ventes alors que les jeux de réflexions ne représentaient que 8% des ventes (Dittler, 1993).  [top]

Quelques problèmes relatifs à l'étude des jeux vidéo

Les jeux vidéo évoluent parallèlement à la technologie informatique, sans laquelle ils ne pourraient d'ailleurs pas exister. Ce parallélisme a comme conséquence que les jeux vidéo ont passablement changer depuis leur apparition. Pas tant au niveau de l'idée générale, nous pourrions dire le scénario du jeu, quoiqu'une technologie nouvelle entraîne forcément des possibilités nouvelles, mais surtout au niveau de l'apparence. Le graphisme extrêmement simple au début, qui se résumait dans le meilleur des cas à des blocs de couleurs en mouvement, s'affine au fur et à mesure jusqu'à figurer de nos jours des scènes interactives simulant les trois dimensions. Cette influence de la technologie sur l'apparence des jeux vidéo se ressent aussi sur le son qui accompagne le jeu, et aujourd'hui ils intègrent des séquences sonores avec des voix préenregistrées ou des voix de synthèses.

Il est à relever que cette évolution constante du jeu vidéo influence aussi les études qui lui sont dédiées. Notamment pour les effets sur les compétences cognitives, tels que la représentation spatiale, l'introduction de la perspective dans le graphisme est une révolution face aux premiers jeux aux animations limitées voire parfois absentes. Prenons l'exemple des premiers jeux d'aventures; le joueur devait se représenter le monde dans lequel il évolue sur la base de simples informations textuelles De nos jours, les jeux d'aventures utilisent la photographie ou des scènes en trois dimensions. Bien que le domaine d'études des compétences spatiales reste le même, les résultats d'une recherche datant de la fin des années 70 sont à interpréter avec prudence par rapport à la réalité virtuelle des jeux vidéo actuels. A priori, les joueurs se réjouissent de cette réalité virtuelle de plus en plus réaliste; l'illusion s'approfondit. La question des effets des jeux vidéo sur les compétences cognitives sera abordé plus en détail dans la suite de la rédaction.

L'évolution de l'informatique a aussi des conséquences sur la représentation de la violence dans les jeux vidéo. L'hyperréalisme des scènes de combats figurés dans les jeux modernes dits de "shoot them all !" ou l'on peut voir l'ennemi saigner et s'écrouler et l'entendre gémir le tout en trois dimensions et avec un son stéréo, n'a rien à avoir avec la violence suggérer dans les premiers jeux vidéo de combat tel que le fameux "Space Invaders" dans lequel la destruction d'un extra-terrestre était figurée par un petit flash sur une petite portion de l'écran et accompagné d'un timide "bip" figurant quant à lui le bruit de l'explosion. Là aussi, il semble légitime de mettre en garde de l'utilisation des données d'une recherche datant du milieu des années 70 avec celles d'une recherche effectuée au début des années 90. Bien que la question de recherche reste identique i.e. l'influence sur le joueur de la violence représentée dans les jeux vidéo, l'objet de la recherche, i.e. la violence en tant que telle, est dans un cas suggéré et dans l'autre affiché. Le problème de la violence dans les jeux vidéo sera développé plus loin dans le travail.

Cette évolution perpétuelle du jeux vidéo comme objet d'étude rend délicat toute généralisation, et quasiment impossible d'asseoir des conclusions de recherches indépendamment de son contexte temporel.  [top]

Ce qui est reproché aux jeux vidéo

Les jeux vidéo sont souvent critiqués et accusés d'avoir des effets négatifs sur la vie de famille, le développement de l'enfant, etc., ou encore d'être responsable de certains comportements violents. Les critiques à leur égard proviennent de différentes sources, telles que les médias, les parents et les associations de consommateurs, les scientifiques de disciplines diverses.

Parmi les craintes issues des médias, des parents et des associations de consommateurs, on peut observer une série de critiques, notamment que les jeux vidéo peuvent : créer une dépendance, détourner les enfants d'activités plus utiles à leur développement et les isoler de leurs camarades (Retschitzki & Gurtner, 1996); déranger la vie de famille (Breakwell & al., 1986); susciter des comportements violents, être une source de dépense financière importante, augmenter la compétition/agressivité interindividuelle (Sneed & Runco, 1992).

Parmi les psychologues et autres scientifiques on trouve les avis suivants concernant les méfaits des jeux vidéo : ils sont trop abstraits (Barnes & Hill, 1983); ils n'apportent rien d'un point de vue cognitif aux enfants (Dickson, 1986, cité par Baird & Silvern, 1990); ils sont trop violents (Silvern, Lang & Williamson, 1987); désinhibition entraînant des comportements agressifs et diminuant les comportements prosociaux (Silvern & Williamson, 1987); possibilités de déclenchement de crises d'épilepsie (Jolivalt, 1994).  [top]

Ce qu'en pensent les parents

L'étude de Sneed et Runco (1992) compare l'opinion d'adultes non-parents, de parents et de leurs enfants âgés de 10 à 18 ans , à propos des effets de la télévision et des jeux vidéo. Nous laisserons de côté les effets de la télévision la problématique ne concernant pas ce travail, bien qu'en de nombreux points les réactions (positives et négatives) face aux jeux vidéo aient déjà été énoncés à l'égard de la télévision.

Il est intéressant de noter que les parents et les enfants ont des opinions similaires à propos des jeux vidéo et que celles-ci sont en général plutôt positives tel que coordination visuo-manuelle accrue, s'occuper soi-même, s'intéresser aux ordinateurs. Alors que les adultes non-parents pensent que les jeux vidéo entraînent des effets négatifs tels que comportements agressifs, dépense d'argent, compétition accrue. Par ailleurs, il est aussi intéressant de noter que les adultes parents et non-parents donnent des évaluations plus négatives s'ils évaluent l'effet des jeux vidéo sur les enfants plutôt que s'ils évaluent les effets en général.  [top]

Le secret de leurs succès

Parmi toutes les applications possible de l'ordinateur, le jeu est de loin l'activité que les enfants préfèrent (Giacquinta & al., 1993, cité par Retschitzki & Gurtner, 1996). Face à ce formidable succès des jeux vidéo auprès des enfants et adolescents, il est légitime de se demander quelles sont les raisons de cette attirance.

Reschitzki et Gurtner (1996) évoquent comme facteur de succès la représentation d'images visuelles dynamique, ce que tendrait à confirmer le peu d'attrait des jeux basés sur les aspects verbaux dont le graphisme passe au second plan. Un autre facteur proposé par les auteurs est l'aspect interactif des jeux vidéo, i.e. pouvoir exercer un contrôle actif a effet immédiat sur les événements qui se déroulent à l'écran. Un troisième facteur mis en avant par ces auteurs est l'aspect de défi. La plupart des jeux permettent en effet de se confronter à un niveau de difficulté croissant au fur et à mesure de la progression du jeu. Ce dernier point est d'ailleurs aussi évoqué par Baird et Silvern (1990) et ils soulignent aussi la flexibilité potentielle des jeux vidéo dont le matériel qui de part sa nature informatique peut être exploité de plusieurs manières selon l'envie du joueur.

Malone (1981) constate que les attributs des environnements cognitifs autotelic (Moore & Anderson, 1969, cité par Malone, 1981) s'appliquent aux jeux vidéo préférés des enfants, adolescents et étudiants universitaires. Les environnements cognitifs autotelic se suffisent à eux-mêmes pour susciter l'intérêt et l'envie d'explorer de la part des enfants. Autant préciser que la plupart des environnements d'apprentissages traditionnels ne motivent pas d'eux-mêmes l'enfant à une exploration spontanée.
Le premier attribut ("agency") se définit comme la possibilité pour l'enfant de contrôler dans les grandes lignes l'issue de la situation, l'avancement à un niveau plus élevé, etc. Un exemple classique pour cet attribut, pourrait être un individu effectuant un puzzle; seul son application dans la situation va faire en sorte qu'il termine et jouisse de l'image du puzzle reconstruit. La grande majorité des jeux vidéo nécessite une implication active du joueur en tant qu'agent.

Le deuxième attribut ("patient") est l'inverse du premier. L'enfant peut prendre plaisirs à ne pas pouvoir décider de variables importantes pour le déroulement du jeu. Cette situation se retrouve dans les jeux de société ou les mouvements des pions sont régis en jetant des dés. Cette part d'aléatoire dans un environnement introduit un défi, et les stratégies utilisées doivent s'accommoder du hasard. La plupart des jeux vidéo utilisent une multitude de variables sur lesquelles le joueur n'a pas ou peu de pouvoir et qui influence le jeu de manière dramatique.

Le troisième attribut ("agent-patient") est une combinaison des deux premiers, et se manifeste dans les jeux impliquant un partenaire, ce qui permet de surmonter les difficultés en équipe, ne serait-ce que pour avoir un conseil. La plupart des jeux vidéo peuvent se pratiquer à plusieurs, et même pour les jeux qui se pratiquent seul il est toujours possible de consulter un collègue plus expérimenté (cette dimension sociale des jeux vidéo n'a jusqu'à présent pas été évoqué dans ce travail. Remarquons juste qu'il est habituel pour les joueurs de jeux vidéo de consulter des copains "experts", des journaux spécialisés et parfois même de faire partie d'un club. Cette socialisation à travers le jeux vidéo va évidemment à l'encontre des craintes formulées par les parents, tels que le repli sur soi et l'isolement).

Le quatrième attribut ("refree") est la possibilité pour les joueurs d'évaluer leurs résultats et de modifier leurs comportements et donc par là même d'influencer l'issu du jeu, le tout en une boucle de feed-back dynamique. Un joueur peut avoir une attitude autocritique et améliorer ses chances de succès en l'absence d'un conseiller ou d'un entraîneur.

Ces quatre attributs définis par Moor et Anderson et repris par Malone se trouvent à des degrés divers dans les différents jeux vidéo. Le fait qu'il faut rarement forcer un enfant pour jouer à un jeu vidéo serait donc une preuve du bien-fondé de cette théorie.

Roberts & Sutton-Smith (1962, cité par Greenfield, 1994) proposent que par le passé les jeux préparaient les enfants aux compétences nécessaires en tant qu'adulte. De nos jours, des auteurs tels que Baird et Silvern (1990) ou Greenfield (1994) avancent l'idée qu'à travers les jeux vidéo les enfants développent les compétences et outils cognitifs (nous verrons lesquels dans la suite de ce travail ) nécessaires aux exigences des professions de demain.  [top]

Impact sur des compétences cognitives et des savoir-faire technologiques

Greenfield (1993) suggère qu'il existe une série de compétence comparable à l'alphabétisation, de plus en plus nécessaire dans une société "informatique" et qui s'apprend non pas dans les livres mais sur les écrans d'ordinateurs. Cette idée a motivé de nombreuses recherches (voir p.ex. Subrahmanyam & Greenfield, 1994; Okagaki & Frensch, 1994; Greenfield, Brannon & Lohr, 1994) lesquelles ont mis en évidence que les jeux vidéo développent les compétences spatiales. Ces compétences permettent à un individu notamment de transformer des objets qu'il se représente mentalement, de manipuler des scènes visuelles complexes, ou d'encoder et de comparer des formes entre elles. D'autres compétences semblent aussi développer par la pratique régulière de jeux vidéo telles que les compétences attentionnelles, notamment l'attention visuelle partagée (Greenfield, deWinstanley, Kilpatrick & Kaye, 1994), ou des capacités inductives. En effet, pour progresser dans le jeu, le joueur doit découvrir les règles qui gouvernent le jeu et qui sont littéralement cachées à l'intérieur du programme. De plus, la plupart des jeux nécessitent une coordination des points de vues ainsi qu'une coordination des éléments en mémoire (Retschizki & Gurtner, 1996).

Par ailleurs, les jeux vidéo poussent aussi indirectement à l'apprentissage d'un savoir-faire technologique, tel que l'apprentissage d'un code iconique utilisé généralement en informatique, ou de manière plus subtile en jouant avec l'ordinateur l'enfant apprend à entrer en interaction avec une intelligence artificielle.  [top]

Différence garçon / fille

Le fait que les enfants apprennent indirectement, par le jeu, des compétences importantes pour la réussite dans la société est une chose. Encore faudrait-il que tous puissent en profiter de manière égale. Cependant, comme nous l'avons vu lorsque nous parlions des joueurs la majorité sont des garçons et les filles ne sont que peu représenté. Cela vient peut-être du fait que le contenu de la plupart des jeux est soit d'action ou de nature violente et Malone montre qu'un thème d'action ou de violence attire les garçons alors qu'il repousse les filles. Ceci résulte en une plus grande expérience des jeux vidéo pour les garçons. Comme ces jeux sont la plupart du temps aussi les premiers pas vers l'informatique pour les enfants, il y a des risques que légalité des chances professionnelles pour les filles et les garçons puissent poser problème (Retschitzki et Gurtner, 1996).  [top]

Violence et jeux vidéo

La violence dans les jeux vidéo, nous l'avons vu, est un sujet de vives critiques. Beaucoup de jeux ont un contenu ou une thématique où la violence figure, parfois de manière plus ou moins explicite. Face à cette constatation, on peut vouloir s'interroger sur l'effet sur l'enfant de la violence dans les jeux vidéo?

Etant donné la participation "active" du joueur, une des préoccupations majeures face à la question de la violence dans les jeux vidéo est de savoir si le joueur va apprendre le comportement qu'il a observé à l'écran et auquel il a activement contribué. Un grand nombre de recherches ont été effectuées et les avis restent partagés. Pour preuve...

Certains trouvent que les jeux vidéo agressifs ont un effet calmant pour les adolescents (Kestenbaum & Weinstein, 1985). D'autres remarquent que le jeu spontané de garçons qui viennent de jouer à un jeu vidéo violent n'est pas significativement différent du jeu de garçons ayant joué à un jeu vidéo non-violent, alors que le jeu spontané de filles est significativement plus agressif chez les filles qui ont joué à un jeu vidéo violent (Cooper & Mackie, 1986). Chez des jeunes enfants de 4 à 7 ans ayant joué ou non à des jeux vidéo violent, Schutte et al. (1988) observent que le jeu spontané post jeu vidéo violent est plus agressif. Auprès de la même population, Silvern et Williamson (1987) montrent aussi une réduction des comportements prosociaux. Graybill et al. (1987) pensent que les enfants sont plus attentifs aux scores qu'au contenu du jeu, et ce d'autant plus qu'ils jouent avec des paires. Scott (1995) ne trouve pas de relation linéaire entre degrés de violence dans le jeu vidéo et agressivité exprimée chez des universitaires... etc.

Bref, les avis divergent et il semble difficile de répondre à la question que j'ai posé ci-dessus, à savoir qu'elle est l'effet de la violence dans les jeux vidéo. Pourtant nous pourrions aborder la problématique sous un angle légèrement différent. C'est ce que nous propose Gabriel (1994) avec la question titre de son article "A quoi joue-t-on dans les jeux vidéo?" ou "A quoi peuvent servir les jeux vidéo?".  [top]

A quoi joue-t-on dans les jeux vidéo?

Il est évident en regardant un enfant jouer à l'ordinateur qu'il s'identifie facilement au personnage principale du jeu (quand il en existe un !). L'identification permet au joueur de s'approprier des éléments du monde fictif du jeu. Cette identification "actualise la rencontre entre le monde imaginé, fictif mais extérieur au joueur et son monde intérieur" (Gabriel, p.74) tel que l'aire de jeu au sens winnicottien du terme. L'identification (précisons aussi que lorsque le processus d'identification ne fonctionne pas, dans les cas pathologiques, l'enfant fusionne avec le personnage et sa disparition de l'écran peut-être insupportable, mais ce n'est pas le jeu qui est responsable du fait que l'enfant ne s'identifie pas mais fusionne; tout au plus, le jeu le met en évidence) au personnage du jeu suppose aussi que l'enfant se confronte aux limites et surtout aux contraintes du jeu (les règles du jeu). Dans un jeu vidéo, comme dans n'importe quel jeu, le joueur sait qu'il "fait pour de faux". Mais le joueur virtuel peut quant à lui essayer l'inhabituel, sans risque vital.

Là intervient la distinction que fait Winnicott entre le "game" (jeu avec des règles) et le "play" (libre expression de soi). A travers le jeu vidéo en tant que game le joueur pourra exercer ses compétences et progresser. Ce monde extérieur virtuel, il pourra le mettre au service de son désir de puissance, que le jeu permettra de sublimer en agressivité positive (compétitivité, affirmation de soi, etc.). Mais c'est à travers le jeu vidéo en tant que play que le joueur pourra se laisser aller à exprimer sa fantaisie et ses affects, à se montrer plus créatif en réalisant des désirs plus ou moins conscients.

En jouant la violence dans un jeu vidéo l'enfant met sur un plan symbolique l'agressivité qu'il peut avoir, et peut-être qu'en les réalisants en jeu "il aura sans doute moins besoin de les mettre en acte dans la réalité de sa vie quotidienne... Les enfants qui jouent sont comme les rêveurs qui savent qu'ils rêvent" (Gabriel, p.76 & p.77). [top]

Conclusion

Nous avons vu que la réalité virtuelle en général et le jeu vidéo en particulier place le joueur entre sa réalité psychique interne et le monde virtuel "externe". Les possibilités du joueur ainsi que les effets de cette situation évoluent au fur et à mesure des évolutions technologiques, ce qui rend cette problématique particulièrement dynamique et susceptible de se modifier encore dans l'avenir.

Beaucoup de psychologues s'intéressent aux effets cognitifs, affectifs et sociaux des jeux vidéo. La fonction adaptative (recherchée ou non par les concepteurs) de ces jeux, notamment l'apprentissage indirect de savoir-faire et le développement de compétences spatiales, est souvent mis en avant et privilégié comme piste de recherche. Le débat sur la violence dans les jeux vidéo rejoint celui de la violence à la télévision sur le terrain de l'infertilité. Les recherches, lorsqu'elles sont méthodologiquement acceptables, sont rarement comparables entre elles quant à la population testée ou les outils d'investigations utilisées. Face à ce débat souvent stérile concernant les effets de la violence, la question originale de Gabriel (1994) apportent une direction nouvelle à la réflexion dans ce domaine. Elle tente d'y répondre notamment dans son article "A quoi joue-t-on dans les jeux vidéo?" et il est certain que les réponses qu'elle y amène pourront donner lieu à un débat nouveau.

Malgré ce questionnement effectué au sujet des jeux vidéo, et ces tentatives de rationaliser les faits, j'aimerais à nouveau répéter que quelles que soient leurs formes, les jeux vidéo ne sont que des jeux et de citer Winnicott que "c'est en jouant, et seulement en jouant, que l'individu, enfant ou adulte, est capable d'être créatif et d'utiliser sa personnalité tout entière. C'est en étant créatif que l'individu découvre le soi." [top]


Bibliographie

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LastUpDate 14-Oct-1998 (DO)