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Staf 13 : Module III

 

Fiche de lecture : Résumé

 

Remarque préliminaire

Les personnes "pressées" qui ne voudraient connaître que le sujet 
traîté et les conclusions peuvent "sauter" toute la partie 
présentation de ce résumé et se "téléporter" directement au 
chapitre Discussion et conclusions à la fin de ce texte.

 

Titre du texte

L'utilisation judicieuse du langage des graphiques par des élèves de seconde dans le domaine de la biologie

Auteur de l'étude

Amos Dreyfus et Yossef Mazouz, Université hébraïque de Jérusalem, Faculty of agriculture, Agricultural Education and Extension Studies, POB 12 Rehovot 76100 Israël

Note préliminaire

Cette étude a paru dans "Les Sciences de l'éducation 1-3/1993. Je n'ai pas d'autres références que celles citées plus haut. On peut penser que l'étude date de 1992

 

Introduction.

Pour cela le mieux, à mon avis, est de prendre intégralement le résumé que 
l'on trouve dans la revue "Les sciences de l'éducation" :

"Résumé : Les manuels scolaires de biologie utilisent souvent des représentations graphiques afin d'illustrer différents types de relations entre variables. On attend alors de l'élève qu'il soit capable d'interpréter les graphiques d'une manière qualitative et globale. Le langage des graphiques est composé de codes qui représentent des concepts. Ceux-ci ne sont considérés comme acquis par l'élève que lorsqu'il est capable de les utiliser à bon escient. Deux tests ont donc été développés pour évaluer le degré auquel des élèves de biologie (seconde) étaient capables d'utiliser judicieusement le langage de huit types de graphique. On a démontré que l'échec relatif des élèves ne provenait pas toujours d'un manque de connaissances et d'habileté de base. Même quand les élèves possèdent le bagage cognitif nécessaire à l'utilisation judicieuse des représentations graphiques, ils semblent ne pas toujours l'utiliser spontanément."

 

Conditions et paramètres de l'étude

Présuppositions

  1. Certaines habiletés de base sont nécessaires à l'interprétation ou à la construction de tout graphique, même le plus simple. Ces habiletés sont du genre "trouver le point correspondant à certaines coordonnées" ou vice versa.
  2. Les "caractéristiques globales" des graphiques sont en réalité les concepts du langage des graphiques. Elle seront intériorisées que si :
    • l'élève les reconnaît (modes interprétatifs et analytiques)
    • l'élève les utilise judicieusement de sa propre initiative (mode constructif)
  3. Pour acquérir des significations, les élèves doivent être capables de saisir, au moins intuitivement, la nature des rapports formels qui caractérisent le modèle de covariation des variables concernées.
  4. Certains élèves peuvent être des "utilisateurs latents", ils sont capables de les utiliser, mais pas spontanément ce qui fait qu'ils ne tirent aucun profit de leurs habiletés intellectuelles.

Pour qu'un graphique illustre un processus biologique il faut :

Les questions posées dans cette étude étaient les suivantes :

Les élèves sont-ils :

Pour cela deux tests (cf plus bas) ont été développés pour évaluer le degré auquel des élèves de biologie étaient capables d'utiliser judicieusement le langage de types de graphiques utilisés le plus fréquemment dans les manuels de leur programme.

Population expérimentale

Elèves de secondes (environs 16 ans). Ils venaient de 17 classes, de 12 lycées polyvalents. La sélection a été effectuée selon trois niveaux scolaires, afin de tenir compte de l'hétérogénéité de la population cible.

401 élèves ont participé au test des prérequis, 376 à la tâche 1 du test principal et 385 à la tâche 2. Les tests ayant montré que les élèves se fatiguent vite, tous les élèves ont fait les exercices 1 à 4 mais les exercices 5 à 8 n'ont été donné qu'à 25% des élèves.

Les tests.

Test de prérequis

Selon un tracé de type y = ax, les élèves devaient remplir deux tâches

Test principal

Dans ce test, il y a huit exercices, chaque exercice :

L'élève ne recevait la feuille comprenant la tâche 2 qu'après s'être acquitté de la tâche 1 et l'avoir rendue à l'examinateur. La tâche 1 exigeait donc de l'élève la capacité de prévoir la forme générale du graphique (ses caractéristiques globales), uniquement sur la base de la description qualitative- La construction "mécanique" était donc impossible

Exemple : Exercice 1

Description du phénomène : Un fermier dit : "plus je vendrai de tonnes de pommes, plus mon revenu sera élevé"

Quantité vendue

Revenu

0

?

1

?

2

?

3

?

4

?

5

?

6

?

7

14'000

Pour ceux que cela intéresse, voici les énoncés (description du phénomène) des autres exercices et certains commentaires relatifs à leur difficulté

Exercices 2

Un fermier dit : "plus je prendrai d'ouvriers, moins le temps nécessaire à la récolte des fraise sera long.".

Il y a un "piège" dans cet item. Les élèves ont bien tracé une ligne descendante, mais, dans la majorité des cas, elle touchait les deux axes, ce qui impliquait un nombre d'ouvriers assez grand pour que le temps nécessaire soit zéro et vice versa !

Exercice 3

Un fermier dit (décidément, cette année, les fermiers ont beaucoup à dire, note de BK) : "Etant donné que le revenu d'un kilo de fraises est plus élevé que celui d'un kilo de concombre, le revenu de n'importe quelle quantité de fraises sera plus élevé que celui de la même quantité de concombres."

Sur cet exercice soit les élèves savaient quoi faire soit ils l'ignoraient complètement. Peu de réponses "entre deux", ni complètement juste, ni complètement fausse). Mais dans l'ensemble les résultats à cet exercice furent bons. Aussi bon que pour l'exercice 1. Ces deux exercices 1 et 3 sont considérés comme faciles. Tous les autres exercices ont donné des pourcentages d'échec plus grands.

Exercice 4

Jean et Louis cultivent des tomates. Le Ministère leur a proposé une bonification de 1000 shekels à condition qu'ils vendent au prix de 400 shekels la tonne. Jean a accepté, mais Louis a préféré renoncer à la bonification et vendre à 600 shekels. (D'après l'énoncé complet de la tâche, le tracé devait montrer que pour un certain nombre de tonnes, le revenu des deux fermiers serait le même.) L'inclinaison des lignes est différente et elles se croisent.

Exercice 5

Des chercheurs ont identifié 5 phases dans la croissance d'une population de microbes. Pendant la première, la population augment lentement, puis (2ème phase) elle augmente rapidement, puis (3ème) la croissance ralentit, à la 4ème elle cesse complètement et finalement, à la 5ème, la population décroît.

Beaucoup d'élèves ont tracé un graphique auquel il manquait une phase, surtout celle de la croissance zéro (tracé sans plateau).

Exercice 6

Des chercheurs ont démontré que

  1. la quantité d'énergie consommée par un muscle est basse et constante lorsque le muscle est au repos
  2. elle augment instantanément dès que le muscle entre en activité et reste constante tant que le muscle est actif
  3. puis elle retombe instantanément au niveau de repos et reste constante.

Dans la plupart des graphiques les élèves évitèrent la ligne verticale.

Certains diront au sujet de cet exercice : "je savais que j'avais un problème, mais je n'ai pas cru qu'une telle chose était possible" Cet exercice a été classé "difficile, car insolite".

Exercice 7

Une population de microbe commence par un microbe, qui se divise après 20, minutes. Le rythme de croissance de la population reste constant, chaque microbe se divisant toutes les 20 minutes. Nous avons une croissance exponentielle d'une population.

L'idée que les valeurs de y pouvaient être obtenues par un calcul de puissance ne semble avoir effleuré aucun élève.

Exercice 8

Des mites rouges sont la proie de certains carnivores, dont la population augmente tant qu'il y a assez de mites. quand il n'y a plus assez de mites rouges, la population des carnivores décroît. La valeur d'une population dépend de l'autre population. Cet exercice, sous tous ses aspects, semble avoir été trop difficile pour les élèves auxquels on n'avait enseigné formellement ni le type de relation entre les populations, ni le type de graphique.

 

Principaux résultats

Prérequis

Les réponses ont été notées de 0 à 3 de la manière suivante :

0 : pas de réponse

1 : les deux réponses fausses

2 : une réponse correcte, l'autre fausse ou manquante

3 : les deux réponses correctes.

Le coefficient de fiabilité (Cronbach alpha) était de 0.80

Résultats

Tache P1

 

Lapremière ligne donne les points et seconde ligne exprime les pourcentages.

0

1

2

3

38

1

9

57

Tâche P2

0

1

2

3

29

2

3

71

Le test principal

Les réponses ont été notées de 0 à 3 de la manière suivante :

0 : pas de réponse

1 : réponse complètement fausse

2 : réponse partielle (tout ce qui est écrit est correct, mais la réponse est incomplète, ou réponse comprenant des éléments corrects et des éléments incorrects

3 : réponse complètement correcte.

Le coefficient de fiabilité du test était plus bas que celui des prérequis (0.6)

Remarque : les justifications demandaient toutefois certaines aptitudes d'expression écrite. Ceci peut expliquer pourquoi les tableaux ont donné de meilleurs résultats, car un nombre tangible de justifications, rédigées de manière ambiguë, ou inintelligible, ont du être rejetée

Tableau 1 : Répartition des notes obtenues à la tâche "graphique", pour chaque exercice, en pourcentage du nombre de participants.

Note

EXC. 1

EXC. 2

EXC. 3

EXC. 4

EXC. 5

EXC. 6

EXC. 7

EXC. 8

0

8.2

11.1

23.4

8.8

18.3

19.6

13.8

30.1

1

5.1

17.5

61.7

33.4

21.5

22.7

29.8

41.9

2

3.7

14.9

6.6

39.0

41.9

12.4

38.3

24.7

3

83.0

56.5

8.2

18.8

18.3

45.4

18.1

3.2

Tableau 2 : Répartition des notes obtenues à la tâche "tableaux", pour chaque exercice, en pourcentage du nombre de participants.

Note

EXC. 1

EXC. 2

EXC. 3

EXC. 4

EXC. 5

EXC. 6

EXC. 7

EXC. 8

0

15.4

22.9

47.4

22.3

43.0

48.5

46.0

65.9

1

7.6

18.2

16.1

43.9

31.2

15.5

24.0

4.4

2

7.3

7.5

8.1

22.1

5.4

17.5

3.0

29.7

3

69.8

51.4

28.4

11.7

20.4

18.4

27.0

0.0

Tableau 3 : Répartition des notes obtenues à la tâche "justification", pour chaque exercice, en pourcentage du nombre de participants.

Note

EXC. 1

EXC. 2

EXC. 3

EXC. 4

EXC. 5

EXC. 6

EXC. 7

EXC. 8

0

20.0

33.0

61.1

50.3

53.9

77.4

55.8

81.7

1

11.9

15.3

11.1

32.6

29.2

8.5

18.3

6.5

2

11.2

2.1

4.4

11.9

2.2

3.8

1.9

11.8

3

56.9

49.6

23.3

5.2

14.6

10.4

24.0

0.0

Nous avons vu, jusqu'à maintenant sur quoi repose la recherche, comment elle a été menée et les résultats quantitatifs. Reste à présenter l'analyse qualitative. Que peut-on conclure, quelle(s) leçon(s) peut-on tirer de la recherche (s'il y en a une, bien sûr !).

Pour parler de cette partie, la plus importante, je vais 
reprendre ici l'intégralité du chapitre "discussion et 
conclusions" de l'article.

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Discussion et conclusions

L'objectif de cette étude était d'estimer le degré auquel une population hétérogène d'élèves de seconde était capable de lire les représentations graphiques utilisées dans leurs manuels de biologie, donc d'en "acquérir des significations". En principe, on s'attend à ce que des élèves soient capables de "manipuler une relation graphique d'une manière satisfaisante, uniquement lorsqu'il y a une correspondance univoque entre la forme du tracé et la réalité modélisée" (Shayer, 1987, d'après Hart, 1981). Tous les graphiques traités ici remplissaient cette condition (aucun n'était anti-intuitif), et un seul était au delà des compétences de la population cible. Pourtant des performances satisfaisantes n'ont été obtenues qu'en ce qui concerne les prérequis et les deux types de graphiques les plus simples du test principal. Aucune classe , même parmi les meilleures, n'a atteint un niveau satisfaisant de traitement des rapports entre les variables. Cette situation est troublante, car les graphiques sont considérés comme un des principaux moyens de communication en classe de science. L'idée que les représentations graphiques transmettent des messages signifiants à toutes les parties de la population cible, n'est certainement pas soutenue par les résultats de cette étude.

Un échec à une "tâche graphique" pouvait en principe être attribué ou à une mauvaise compréhension de la nature du rapport entre les variables, ou encore à un manque d'habiletés graphiques. L'idée principale des tâches "tableaux" était donc de déterminer si l'élève appréhendait le rapport entre les variables.

Mais graphiques et tableaux se sont révélés comme des moyens d'expression différents, indépendants et non corrélatifs. Dans beaucoup de cas, un nombre substantiel d'élèves a mieux réussis dans la tâche de traduction en graphique qu'en tableau, et vice-versa, mais un très petit nombre a réussi dans les deux tâches. Pour certains élèves, le mode graphique était plus signifiant que le tableau, et pour d'autres, c'était le contraire. Des styles cognitifs différents semblent avoir joué un rôle décisif dans le traitement des graphiques et des tableaux. Paraphrasant Boekhaerts (1982, voir aussi Reid, 1992), disons que peu d'élèves se sont révélés comme "biocognitifs", donc également efficace dans leur traitement d'information par graphiques ou par tableaux. Apparemment, il y aurait des "grapheurs" et de "tableurs". De tels résultats pourraient avoir d'importantes implications éducatives concernant par exemple des activités assistées par ordinateur, dans lesquelles le tableur électronique ne construit souvent le graphique que sur la base d'un tableau. Pour certains élèves, l'autre sens serait peut-être mieux approprié.

La source principale d'échecs n'était apparemment pas un manque d'habiletés graphiques de base, puisque le test de prérequis a donné des résultats relativement satisfaisants, même dans les classes de niveau moins élevé. Ni "grapher", ni "tabler" ne semblent avoir été des activités uniformes, chaque exercice a été caractérisé par une combinaison différentes de réussite et d'échec. Dans plusieurs cas, divers types de manques d'éveil, d'attention, de conscience ou encore un manque de prédisposition à effectuer une tâche "insolite", ont été la cause principale de l'échec de l'élève ... On peut conclure que très souvent, pour diverses raisons, les élèves semblent ne pas être spontanément conscients des caractéristiques critiques des représentations graphiques, ou ne pas utiliser spontanément toutes les habiletés pertinentes qu'ils possèdent.

Le niveau effectif de leur performance est donc plus bas que leur niveau potentiel. Dans ces conditions, l'hypothèse selon laquelle les graphiques illustreraient avec efficacité des modèles de relation entre variables n'est pas confirmée, même quand les élèves possèdent les habiletés nécessaires. L'implication principale d'une telle conclusion est qu'il faudrait aider les élèves à percevoir les caractéristiques décisives du graphique. Ces caractéristiques pourraient être indiquées explicitement dans le texte, ou comme partie intégrale des titres, sous-titres et autres notes qui accompagnent les graphiques dans les manuels. "L'effet attentionnel sélectif (Holliday, 1981) de telles indications devraient contribuer à améliorer la perception du message transmis par le graphique.

Les résultats de cette étude relèvent d'une population spécifique, mais d'un problème d'intérêt général. Des études diagnostiques utilisant la méthode présentée ici peuvent fournir des informations essentielles à l'analyse du comportement "grapheur-tableur" de n'importe quelle population-cible.


Si vous avez des questions, remarques, suggestions, critiques à me faire, utilisez soit :

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