Cognitive Apprenticeship:
Teaching the Crafts of Reading,
Writing, and Mathematics

Collins, A., Brown, J.S. and Newman S.E (1989)
pp 453-493 in Knowing, learning, and instruction: Essays in honor of Robert Glaser, edited by Lauren B. Resnick

Des faiblesses de l'enseignement scolaire.

Les connaissances acquises à l'écoles sont en général déconnectées de leur utilisation en situation réelle. Il en résulte que ces connaissaces sont mal intégrées et restent trop souvent liées à la surface de problèmes tels que ceux présentés dans les manuels ou en classe.
Pour avoir des étudiants capables d'intrégrer activement des connaissances de bases nécessaires à la résolution de problèmes complexes, il faut que l'école s'interroge sur la nature des expertises ainsi que sur les méthodes pour se les approprier.

Des qualités de l'apprentissage traditionnel.

L'apprentissage traditionnel se focalise sur l'acquisition de méthode nécessaires à la réalisation de tâches spécifiques d'un domaine. Les apprentis acquièrent ces méthodes par:

Du point de vue de l'enseignant, cette succession d'étapes dans le processus d'apprentissage s'appelle:

Dans l'apprentissage, l'observation joue un rôle clé. Elle aide l'apprenti à développer un modèle mental de la tâche à accomplir avant de l'effectuer. Ce modèle mental est à la fois une sorte d'organisateur de la pensée, une structure interprétative permettant de donner un sens aux conseils, et corrections du tuteur, et finalement, un guide interne auquel se référer dans la période de mise en pratique des connaissances acquises.

Le deuxième élément important à propos de l'apprentissage est le contexte social dans lequel il se fait. En effet, l'apprenti acquière ses connaissances dans un communauté où tous les membres ont la même pratique. Il en résulte que l'apprenti a continuellement accès à des modèles très variés allant des apprentis comme lui-même, aux maîtres d'apprentissages en passant par les ouvriers.

De l'apprentissage traditionnel à l'apprentissage cognitif.

Les auteurs proposent d'adapter le système d'apprentissage traditionnel à des activités cognitives telles que la lecture, l'écriture ou les mathématiques. Ils appellent cette nouvelles méthode: l'apprentissage cognitif.
Cette méthode a pour but premier d'enseigner les processus que les experts utilisent pour s'attaquer à des problèmes complexes. Les connaissances qu'elle dispense sont, idéalement, toujours situées dans leur contexte d'utilisation. Cette méthode implique aussi que les processus de pensée de l'expert et de l'élève soient externalisés (métacognition). Pour ce faire l'apprentissage cognitif propose le travail alterné du novice et de l'expert dans la résolution d'un problème. Cette alternance élève-maître doit conduire ensuite à une réflexion sur les différences de performances des deux acteurs. De même l'apprentissage cognitif privilégie le travail en groupe où les étudiants deviennent tout à tout acteur (produteur) et critique. Ces méthodes permettent à l'élève de s'auto-corriger et s'auto-controller au fur et à mesure du processus d'apprentissage, affinant ainsi ses connaissances et devenant de plus en plus indépendant.

Différences entre apprentissage traditionnel et cognitif.

L'apprentissage cognitif se démarque du traditionnel sur deux points:
  1. Dans l'apprentissage traditionnel, c'est la demande du travail (du marché) qui sélectionne le type de tâche que l'apprenti doit exécuter. Dans l'apprentissage cognitif, les tâches et problèmes sont choisis pour illustrer la puissance de certaines techniques et méthodes. La difficulté de la tâche est augmentée graduellement de telle sorte que les expertises et modèles qui lui sont associés puissent être intégrés.
  2. Dans l'apprentissage traditionnel, l'enseignement d'une expertise reste focalisé sur le contexte de son utilisation. Dans l'apprentissage cognitif, l'expertise enseignée est bien reliée à un contexte d'utilisation, mais ce stade est ensuite dépassé pour mettre l'accent sur la décontextualisation. On enseigne aux élève à appliquer les connaissances acquises à d'autres situations (transfert).

Dans la suite de leur article, les auteurs discutent trois cas où la méthode d'apprentissage cognitif a été utilisée avec succès:

  1. la méthode de Palincsar et Brown pour l'apprentissage de la lecture par enseignement réciproque,
  2. la méthode de Scardamalia et Bereiter pour l'enseignement de l'écriture
  3. la méthode de Schoenfeld pour l'enseignement de méthode de résolution de problèmes mathématiques.
Je résumerai le premier exemple, celui de l'apprentissage de la lecture.

L'apprentissage de la lecture par enseignement réciproque.

Palincsar et Brown ont introduit une méthode pour faciliter la compréhension d'un texte. Cette méthode utilise la modélisation et le guidage dans quatre activités stratégiques:
  1. formuler des question à propos du texte
  2. faire un résumé du texte
  3. faire des prévisions sur ce qui va venir ensuite
  4. clarifier les difficutés rencontrées.
Cette méthode est appelée "enseignement réciproque" parce que enseignant et élèves prennent tour à tour le rôle du maître.
Des études pilotes ont montré que cette méthode était extrêmement efficace. Cette efficacité peut être expliquée par les considérations suivantes:
  1. la méthode d'enseignement réciproque engage les étudiants dans des activités qui les aident à se former un nouveau modèle de la lecture. Ainsi l'élève prend conscience de la variété d'activités que la lecture requière (formuler des questions, faire des résumés, évaluer, analyser, clarifier des points difficiles).
  2. toutes ces activités impliquent que l'élève utilise les stratégies de lecture nécessaires pour une lecture experte
  3. l'enseignant pratique les quatre activités citées ci-dessus à haute voix avec les élèves. Ainsi l'élève peut directement comparer sa manière de faire avec celle du professeur
  4. l'enseignant entoure attentivement (guidage) l'élève durant le processus d'apprentissage. Il lui procure une aide quand il est dans une impasse; celle-ci surmontée, le professeur s'efface.
  5. l'enseignement réciproque implique que les élèves sont tour à tour producteurs et critiques

Un cadre de travail pour créer un environnement d'apprentissage.

Les auteurs définissent quatres dimensions à prendre en compte lors du développement d'un environnement d'apprentissage idéal:
  1. le contenu
  2. les méthodes
  3. la séquence
  4. la sociologie

Le contenu.
Cette dimension présente les différentes stratégies de présentation des connaissances du domaine ainsi que des connaissances spécifiques de l'expert. On distingue quatre catégories:

1. La connaissance du domaine.
Cette catégorie inclue les connaissances conceptuelles, factuelles ainsi que les procédés explicitement liés à une matière. Ces connaissances sont généralement expliquées dans les manuels scolaires, en classe et dans les démonstrations.
2. Les stratégies heuristiques,
sont les techniques et moyens effectivements utilisés pour accomplir une tâche. Ce sont les trucs et astuces glanés par l'expérience et que seul les experts possèdent.
3. Les stratégies de contrôles
permettent de contrôler le bon accomplissement d'une tâche. C'est grâce à ces stratégies que l'on sélectionne les différents moyens pour solutionner un problème, que l'on décide quand changer de stratégie et ainsi de suite. Elles requièrent des activités:
4. Les stratégies d'apprentissage,
sont les stratégies d'acquisition des connaissances, les stratégies du comment apprendre, de où chercher, de qui contacter.

Les méthodes.
Cette dimension se rapporte aux méthodes d'enseignement qui donnent aux étudiants la possibilité d'observer, d'utiliser, d'inventer ou de découvrir des stratégies d'expert en situation.

1. La modélisation (modeling)
implique qu'un expert du domaine réalise une tâche de telle sorte que les élèves puissent observer sa manière de faire et puissent construire un modèle mental des processus nécessaires à la réalisation de cette tâche.
2. Le guidage (coaching)
consiste en une observation attentive des étudiants dans leur tâche. Le tuteur leur offre des pistes de réflexion, des supports, feedback, modèles, rappels et nouvelles tâches dont le but est d'amener leur performance proche de celle d'un expert.
3. L'aide à l'apprentissage (scaffolding)
se réfère aux supports que l'enseignant offre aux étudiants. Pour prendre la métaphore de la construction d'un bâtiment, ces supports sont une sorte d'échaffaudage que l'on construit autour d'une tâche de telle sorte que les activités de l'élève puissent "tenir" en attendant que ce soit l'élève qui puisse faire ce contrôle. Ces supports peuvent prendre la forme de suggestions, de cartes mémo, d'une coopération tuteur-enseignant dans la résolution d'un problème. Il est cependant important que l'enseignant diminue (fading) son aide dès que l'étudiant est en mesure de continuer seul la résolution du problème.
4. L'articulation
se réfère à n'importe quel moyen poussant l'élève à exprimer/extérioriser ses connaissances, son raisonnement, sa façon de résoudre un problème. Cela peut être des questions posées à l'élève, alternance de rôle producteur/critique.
5. La réflexion
permet aux élèves de comparer leur propre façon de résoudre un problème avec celle d'autres étudiants, du maître ou, vers la fin de l'apprentissage, avec un guide interne. Cette réflexion est renforcée par l'utilisation de techniques (vidéo, enregistreur vocal, ordinateurs) permettant la reproduction des travaux de l'expert et du novice afin de les comparer.
6. L'exploration
consiste à pousser les élèves à résoudre les problèmes d'une manière indépendante. Il faut noter que, comme le transfert de connaissances, les stratégies d'exploration doivent aussi être enseignées aux élèves.

La séquence
Cette dimension se réfère aux différentes façons d'augmenter graduellement la complexité et variété des tâches en fonction du développement de l'élève au cours de l'apprentissage.

1. L'augmentation de la complexité
consiste en la construction d'une séquence d'activités où l'élève est amené à utiliser de plus en plus de compétences différentes pour mener à bien les tâches demandées. Progression du bas vers le haut dans une structure de tâche hierarchisée.
2. L'augmentation de la diversité
consite en la construction d'une séquence d'activités pour lesquelles une variété de compétences de plus en plus large est nécessaire. Ceci permet aux étudiant d'apprendre dans quelles conditions certaines compétences sont utiles ou non. Progression horizontale.
3. Les compétences globales avant les locales.
Cela consiste à donner la possibilité aux élèves de réaliser une tâche intéressante et complexe sans qu'il doivent nécessairement maîtriser les sous-compétences nécessaires à sa réalisation. Cette façon de faire leur permet de se forger un modèle mental sur la façon dont on s'y prend pour résoudre un problème particulier. Il garderont en mémoire ce modèle comme le but vers lequel tendre, et comme modèle d'interprétation leur permettant de donner du sens aux sous-compétences qu'ils devront apprendre plus tard.

La sociologie
Cette dimension concerne l'environnement social de l'apprentissage. Une structuration adéquate de cet environnement permettrait le développement de styles d'apprentissage coopératif ou collaboratif, styles que l'on sait être très productif.

1. L'apprentissage en situation.
L'apprentissage se trouve très renforcé si les tâches et problèmes que les étudiants sont amenés à résoudre sont en rapport étroit avec une situation réelle, proche d'une situation dans laquelle il seront mis dans le futur. En effet, :
2. Une culture de pratique experte
se réfère à la création d'un environnement d'apprentissage dans lequel les participants discutent des compétences qu'ils utilisent, où compétences est compris comme la pratique de résolution de problèmes d'un domaine.
3. La motivation intrinsèque.
Il faut créer des environnements, des activités suffisemment intéressantes pour qu'ils motivent l'étudiant à réaliser ces tâches. Faire une activité pour plaire au maître n'apporte rien, par contre apprendre à écrire pour pouvoir communiquer par e-mail avec un camarade dans une autre partie du monde est extêmement motivant.
4. Exploiter la coopération
car cette façon de faire est un soutien cognitif sous la forme d'une connaissance et manière de faire distribuée dans tout le groupe. De plus les étudiants ont souvent une meilleure compréhension des difficultés rencontrées par leurs paires.
5. Exploiter la compétition
car elle peut être révélatrices des forces et faiblesses des étudiants. Cependant, pour être effective, la compétition ne doit pas porter sur la comparaison des résultats finaux d'une tâche à accomplir mais sur les différentes manières d'arriver à ces résultats.

En conclusion, les auteurs pensent qu'un apprentissage basé sur les methodes sus-mentionnées permettrait aux éléves d'acquérir des compétences solides et un cadre de pensé pouvant être utilisé tout au long de la vie.


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Jeudi, 20 juin 1996
Daniel Scherly