Didactique et intelligence artificielle

Nicolas Balacheff


1. Introduction

L'enjeu scientifique et épistémologique de l'intelligence artificielle s'est déplacé de l'intelligence vers la connaissance, et dans le domaine de la didactique, on cherche actuellement moins à ce que le tuteur se comporte le plus possible comme un être humain, mais plutôt qu'il soit "capable de créer des conditions favorables à la construction par l'élève de connaissances acceptables en référence à un objet d'enseignement, en lui assurant des feedbacks pertinents". On trouve donc la transposition didactique au centre de cette réflexion.

2. Représentation de la connaissance

Etant entendu qu'un ordinateur propose une représentation du monde et de son fonctionnement, la réflexion épistémologique sur l'IA doit impérativement inclure une réflexion sur le type de relation qu'entretient cette représentation et sa mise en oeuvre avec le monde représenté. Les conséquences de cette représentation sur la nature des apprentissages devant résulter de l'interaction avec le système doivent également être examinées, toute représentation étant soumise à des propriétés comme des contraintes liées aux choix de modélisation, de moyens sémiotiques, de support informatique.

La transposition informatique doit être comprise comme le travail sur la connaissance "qui en permet une représentation symbolique et la mise en oeuvre de cette représentation par un dispositif informatique". Ce dispositif décompose le monde en trois "régions": l'univers externe, l'interface et l'univers externe.

La transposition didactique sur support informatique conduit à une transformation de la matière à enseigner elle-même et apporte aussi une nouvelle dimension aux environnements d'apprentissage. Ceci est partiellement sensible dans le domaine des mathématiques. Il apparaît donc important d'étudier les conséquences de cette transposition didactique: celle-ci conduit en effet à la nécessité d'expliciter certains contenus d'enseignement qui jusque-là allaient de soi, et parfois même à la création de nouveaux contenus d'enseignement.

Ainsi la transformation des connaissances est un problème essentiel et pose la question de la validité des représentations ainsi que celle de la cohérence et de la consistance du dispositif d'enseignement. Il est important également de pouvoir déterminer quels apprentissages sont permis par le système.

3. Modélisation de l'élève

L'identification de même que l'interprétation des comportements de l'élève sont nécessaires au calcul des interactions d'un EIAO. Balacheff dinstingue donc 2 niveaux dans cette prise en compte de l'élève: la modélisation comportementale et la modélisation épistémique.

Un corpus d'observables est constitué par le didacticien afin d'élaborer un modèle de connaissances (conception). Il s'agit d'une construction théorique, et c'est ici qu'il faudra distinguer entre le niveau de constitution du corpus et celui de son interprétation en référence aux savoirs qui forment l'enjeu de l'apprentissage. Le niveau comportemental correspond au compte rendu des comportements de l'élève en tant qu'organisation des observables, et exige un premier niveau d'interprétation: l'organisation du "réel perçu" par l'élève (= analyse de l'intention de l'élève). Au niveau épistémologique, on attribue une signification à ces comportements. Les 2 niveaux devront être validés différemment.

On dit qu'il y a isomorphisme de comportement si "le modèle interne permet de "rejouer" la session de l'apprenant de façon fidèle au regard du modèle externe". Quant à la relation entre le modèle épistémologique et les connaissances de l'élève, elle constitue un épistémomorphisme dans la mesure où "le modèle modèle épistémique construit par la machine rend compte des propriétés structurelles et conceptuelles décrites par la conception attribuée par ailleurs à l'élève au terme de l'analyse didactique.

Dans une telle conception, la notion d'erreur est remplacée, au niveau comportemental, par celle d'écart. L'erreur peut être associée à cet écart, et relève à ce moment du diagnostic.

4. Modélisation de l'interaction didactique

Balacheff reprend le critère du degré d'initiative laissé à l'élève comme base de sa classification des EIAO. Ce degré se situe sur un continuum dont les extrêmes sont les systèmes tuteur et les micromondes, et le point moyen les environnements de découverte guidée. Ce dernier paradigme va dans le sens d'une recherche d'équilibre "entre directivité et non directivité en prenant en compte d'une part l'état de l'apprenant et d'autre part la complexité de l'objet d'enseignement".

Si la question de la modélisation des processus de décision destinés à favoriser l'apprentissage reste ouverte, il n'en demeure pas moins que les questions portant sur le moment de l'intervention ou sur le type de contenu avec lequel intervenir restent souvent sous-exploitées. Il est par ailleurs important d'introduire la négociation du sens des situations d'apprentissage.

5. Conclusion

La modélisation informatique de processus didactique nécessite donc un retour sur les concepts fondamentaux de la didactique (conception, rôle de l'enseignant ...etc), ceci en raison des contraintes spécifiques à la modélisation computationnelle.
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