Fiche de lecture.
Cet article aborde les thèmes suivants: transformation des pratiques d'enseignement traditionnelles par un environnement d'apprentissage basé sur l'utilisation de l'ordinateur et affectation du processus de résolution de problème dans un tel environnement.
Deux séries d'expériences illustrent les propos de l'auteur.
G. Salomon comence par une longue introduction dans laquelle il pose les problèmes et les définitions, avant de présenter des exemples d'application.
L'auteur rappelle tout d'abord, en suivant les expériences faites sur l'enseignement programmé, que l'ordinateur est avant tout un outil permettant la création et que c'est dans cette perspective qu'il offre des possibilités. Dans l'enseignement ce ne sont pas les ordinateurs qui sont les agents du changement mais plutôt le type d'activités qu'ils autorisent. Ainsi, l'exploration, le travail collaboratif en équipe, la consultation réciproque sont notamment favorisés. G. Salomon insiste bien sur le fait qu'un environnement d'apprentissage basé sur l'utilisation de l'ordinateur n'est pas un environnement d'apprentissage traditionnel auquel l'utilisation de l'ordinateur aurait simplement été ajouté. Au contraire, un tel environnement implique une large intégration de l'utilisation de l'ordinateur et surtout un impact de ce dernier sur les méthodes d'enseignement des différentes matières.
Ensuite se pose la question de la différence entre effets with et effets of dans un cadre de résolution de problèmes. L'auteur parle d'effets with lorsque l'utilisation de l'ordinateur rend possible une amélioration des performances en créant un intellectual partnership. C'est notamment le cas lorsqu'une partie de la charge cognitive nécessaire à la résolution d'un problème est assumée par l'ordinateur; laissant ainsi à l'utilisateur un espace plus large pour émettre et vérifier des hypothèses. Ainsi, le processus de résolution de problèmes est affecté par la machine durant son utilisation, c'est l'effet with. L'effet of découlerait en partie du précédent: le partenariat que la machine autorise permet à l'apprenant de passer à un degré supérieur d'expertise dans un domaine; les stades franchis restent effectifs en dehors de l'utilisation de l'ordinateur et sont intégrés par l'apprenant. Cette amélioration des performances, acquise suite à une interaction personne-machine permettant un partenariat, constitue l'effet of.
Cette distinction n'est pas sans implications sur la pratique, et la question posée est de savoir comment les environnements d'apprentissage basés sur l'utilisation de l'ordinateur peuvent favoriser une amélioration du processus de résolution de problème chez l'apprenant plutôt que de savoir comment ces même environnements peuvent résoudre le problème à la place de l'utilisateur.
Trois études liées à trois outils différents sont décrites:
Cette expérience a été menée avec 74 sujets de 13 ans divisés en trois groupes ayant pour tâche de lire 11 textes sur trois sessions. Le premier groupe est confronté aux textes seuls, le second est amené à répondre à des QCM sur les textes lus, le troisième a utilisé l'outil en question. 3 post-tests sont passés deux semaines après l'expérience.
Cette expérience a été menée avec 60 sujets de 13-15 ans divisés en trois groupes. Le premier groupe a utilisé un simple traitement de texte, le second a utilisé l'outil en question avec des interventions automatiques du système, le troisième a utilisé l'outil en question avec des interventions du système fournies uniquement sur la demande de l'utilisateur. Les élèves ont rédigé 5 dissertations sur une période de deux semaines; au terme de l'expérience un post-test consistant en la rédaction d'une dissertation sans soutien est passé.
L'auteur constate que les outils développés ont permis de créer une véritable collaboration entre l'utilisateur et la machine; cette collaboration, en impliquant un effort mental accru de la part de l'utilisateur, permet ensuite à l'élève d'intégrer et de réutiliser les méthodes de lecture et de rédaction sans être assisté. Dans les deux cas (Reading Partner et Writing Partner) les utilisateurs ont mieux intégré les principes métacognitifs nécessaires à la réalisation de la tâche que les membres des autres groupes, ce qui s'est traduit par des différences notables au niveau du post-test. Les effets with (durant l'utilisation de l'outil) ont conduit aux effets of (ce qui reste après l'interaction avec l'outil).
Dans ce deuxième cas il s'agissait d'intégrer l'utilisation de la machine dans un enseignement en classe. Cette expérience se déroule donc en classe contrairement à la première série. L'utilisation de l'ordinateur a été intégrée dans un enseignement portant sur le premier conflit mondial. Comme précisé ci-deesus, la machine ne constitue pas un add-on à l'enseignement traditionnel mais a un impact sur la façon d'aborder le problème.
Les élèves sont amenés à travailler par équipes de trois jouant le rôle de chacune des nations impliquées dans le conflit et ayant à leur disposition un ordinateur relié à ceux des autres équipes. Il leur est donc possible à tout moment de communiquer avec leurs camarades des données sur l'état de la situation (chiffres, cartes, etc.).
Au cours de ce travail, réparti sur quelques semaines, l'auteur constate que l'utilisation de la machine s'élargit (du traitement de texte aux possibilités de communication et de graphisme). D'une manière générale, les capacités de résolution de problème à l'intérieur de chaque équipe augmentent. Les tests qui ont précédé et suivi l'expérience ont montré un transfert effectif de la capacité de résolution de problème (en tant que capacité d'organisation et de traitement d'un grand nombre d'informations) pour les élèves ayant participé. De plus, ce travail a eu un impact sur la façon de percevoir le contenu enseigné et sur la motivation des élèves en général.
Sur la question de savoir si l'ordinateur est le seul agent de ces changements, il est difficile de répondre, comme le note l'auteur. En fait, les changements impliqués par l'utilisation de l'ordinateur sont difficilement mesurables car cette utilisation a un impact sur un nombre élevé de facteurs; la situation d'enseignement elle-même a changé notamment sur les point suivants: type d'activité, travail collaboratif, interactions avec l'enseignant, évaluation du travail. Il est donc difficile, dans ce cas, de faire la différence entre les variables dépendantes et indépendantes, le contexte de l'enseignement ayant été modifié. Les relations inter-variables sont circulaires. Pour cette raison, G. Salomon propose d'adopter une approche systémique plutôt que linéaire dans le cadre de telles problématiques, vu la difficulté d'isoler des variables.
Il apparaît d'abord que le type d'approche adoptée (analytique ou systémique) est différent dans les deux séries d'expériences présentées. La seconde se prêtant mieux à l'analyse des changements impliqué par l'insertion de la machine dans le processus d'enseignement (dans le cas où l'ordinateur n'est pas un add-on ).
Ensuite, G. Salomon, dans cette présentation, propose une piste de réflexion sur le problème d'une véritable intégration de l'ordinateur dans un processus d'enseignement avec ce que cela implique sur l'ensemble de l'environnement (modification du rôle de l'enseignant, collaboration entre les apprenants, etc.). Il constate que les différentes variables sont affectées globalement et que c'est cette modification de l'ensemble qui conduit à un changement au niveau de la capacité de résolution de problème. Dans cet esprit, Il plaide pour une véritable intégration allant au-delà de la simple utilisation de logiciels complétant l'enseignement traditionnel. En fin de compte, pour résumer la pensée de l'auteur, ce n'est pas l'ordinateur en tant que tel qui est l'agent du changement mais les activités qu'il autorise et qui influent sur l'organisation de l'enseignement d'un problème donné.