Furet

Plusieurs décennies avant la Révolution, la hiérarchie des trois ordres, noblesse - clergé - Tiers-Etat, a commencé à être remise en cause dans les esprits. Tout au long du XVIIIème siècle se sont multipliés les clubs politiques et les salons. Discutant sur un pied d'égalité, des individus appartenant aux trois ordres y rejettent le cloisonnement social traditionnel. Ils sont à l'origine de deux nouvelles données politiques essentielles à la veille de la Révolution : une idéologie égalitaire et une opinion publique.
Cependant rien n'est encore joué au moment de la convocation des Etats généraux. C'est à la faveur du conflit qui mène à la naissance de l'Assemblée nationale que cette idéologie nouvelle se répand et s'épanouit librement sur la place publique. Et c'est elle qui va déterminer les caractéristiques du processus révolutionnaire.

Les idées de liberté et d'égalité sont la base de cette idéologie révolutionnaire. Le peuple est désormais érigé en souverain absolu. C'est sa volonté seule, et non celle du roi, qui doit déterminer la politique du pays. Tous ceux qui s'y opposent sont rejetés dans le camp des ennemis du peuple. La politique devient le domaine du bien et du mal, où s'affrontent les bons et les méchants.
Tout acte ou discours d'opposition est immédiatement qualifié de contraire aux intérêts du peuple et assimilé à une trahison dont les auteurs doivent être supprimés sans pitié. D'où l'extrême vigilance et l'obsession permanente des complots qui caractérisent les révolutionnaires et permettent de comprendre une bonne part du déroulement des évènements.
  • La prise de la Bastille
  • La destitution du roi
  • L'arrestation des Girondins
  • L'établissement de la Terreur
  • Le peuple doit donc exercer un contrôle permanent et attentif des évènement en se plaçant au coeur de l'action : sans lui, la Révolution risque de se dénaturer et de retourner à la merci des méchants. Lors des journées révolutionnaires, lorsque le peuple parisien descend dans la rue, il s'érige en représentant de la notion abstraite de peuple. C'est elle qui lui donne une légitimité, à ses propres yeux et vis à vis de la société politique.
  • La prise de la Bastille
  • La destitution du roi
  • L'arrestation des Girondins
  • L'établissement de la Terreur
  • La position prépondérante du peuple dans l'idéologie révolutionnaire rend difficile, voire impossible, l'action d'une assemblée de ses représentants et d'un organe de gouvernement. Comment en effet concilier d'une part le fantasme du pouvoir sans partage du peuple, la nécessité de sa vigilance et de son intervention contre ses ennemis et d'autre part le principe de la délégation du pouvoir législatif et exécutif ? Le conflit entre la démocratie directe et la représentation politique se manifeste tout au long de la période 1789-1794. Il est au coeur de l'instabilité politique qui caractérise cette période.
  • La destitution du roi
  • L'arrestation des Girondins
  • L'établissement de la Terreur
  • Enfin, le discours public devient un moyen privilégié de conquête ou de contrôle du pouvoir. Celui-ci appartient à ceux qui parlent au nom du peuple, puisque le peuple seul est en droit de gouverner. Et dans la hantise du complot qui imprègne tout le climat révolutionnaire, c'est par un discours dénonciateur que l'on se débarasse de ses rivaux, que l'on accède au pouvoir et que l'on s'y maintient.
  • L'arrestation des Girondins
  • L'exécution de militants du mouvement populaire
  • En 1789, la vie politique est le reflet d'un compromis entre principe représentatif et démocratie directe. Ensuite, on assiste à une dérive rapide vers le triomphe du pouvoir par la parole publique, qui culmine pendant la Terreur de 1794.
    La chute de Robespierre met fin à cette évolution et constitue une coupure décisive. La société retrouve son autonomie par rapport à l'idéologie, le principe de représentation l'emporte sur celui de la démocratie directe. La voie est alors libre pour l'achèvement d'un système politique durable.