Soboul

A la fin du XVIIIème siècle, l'organisation du royaume de France n'est plus adaptée aux réalités.
La société est traditionnellement divisée en trois ordres inégaux. La noblesse domine la société et l'Etat et bénéficie de privilèges. Pourtant, son rôle économique diminue et elle est de plus en plus perçue comme un ordre parasite de la société.
La bourgeoisie au contraire est écartée du pouvoir alors qu'elle est créatrice des richesses et de progrès matériel. Membre de l'ordre inférieur du Tiers-Etat, elle aspire à un rôle politique à la mesure de son rôle économique. Cependant le roi et la noblesse s'y opposent.
De fait, la bourgeoisie prend très vite la direction des évènements révolutionnaires car elle y voit le moyen d'établir sa domination politique et sociale. Pour combattre la noblesse et le roi, elle utilise le peuple des villes et des campagnes, mobilisé par la disette et le chômage. Cependant, les intérêts de ces alliés temporaires, le peuple et la bourgeoisie, ne sont pas les mêmes. La plupart des représentants de la bourgeoisiese satisferaient d'un forme de gouvernement monarchique s'ils le contrôlaient et veulent avant tout que les libertés économiques assurent les conditions de leur prospérité. En revanche, les militants du mouvement populaire veulent qu'une réglementation de l'économie assure un coût de la vie supportable pour le peuple et sont plus radicaux dans rejet de la noblesse et de la monarchie.
Les antagonismes entre les intérêts des parties en présence expliquent le cours des évènements.

A la veille de la Révolution, une crise financière oblige le roi à convoquer les Etats généraux du royaume, institution traditionnelle dans laquelle noblesse et clergé ont une voix prépondérante. Une fois les députés réunis, les représentants du Tiers Etat, issus de la bourgeoisie, imposent au roi une Assemblée Nationale où ils sont assurés d'avoir la majorité des voix. Le roi tente de revenir en arrière mais l'intervention du peuple l'en empêche.
Les députés à l'Assemblée organisent la société selon les idéaux et les intérêts de la bourgeoisie. Certes ils inscrivent dans la loi le principe d'égalité, mais l'infléchissent dans le sens des intérêts des propriétaires lorsqu'ils mettent en place le nouveau système politique.
La noblesse et Louis XVI, de leur côté, cherchent leur revanche avec l'aide armée des monarchies européennes. Devant la menace militaire d'invasion, l'Assemblée doit faire appel au peuple pour défendre le pays. Le mouvement populaire se mobilise effectivement, mais exige des contreparties. Lors de l'insurrection du 10 août 1792, il obtient la fin de la monarchie et le suffrage universel.
Cependant la menace de la contre-révolution ne faiblit pas et rend nécessaire une plus grande mobilisation de la population.
Une partie des députés s'opposent alors à un compromis plus étroit avec le mouvement populaire. Le peuple parisien les chasse de l'Assemblée, puis fait pression sur le gouvernement révolutionnaire pour instaurer la Terreur contre tous les ennemis de la Révolution. La menace s'éloigne.
Les membres du gouvernement ont néanmoins toujours en vue les intérêts de leur classe, la bourgeoisie. Après la victoire, ils prennent le risque de rompre avec le mouvement populaire et de perdre son appui. Ce faisant, ils se mettent à la merci de leur opposition, c'est à dire de la fraction de la bourgeoisie qui a été écartée du pouvoir et qui veut supprimer les avantages accordés au peuple en échange de son soutien. Le gouvernement révolutionnaire est renversé le 27 juillet 1794, victime de la contradiction entre les interêts de la bourgeoisie qui dirige les évènements et ceux de son allié de circonstance, le mouvement populaire.