« Sémiosis et pensée humaine , Registres sémiotiques et apprentissages intellectuels », Raymond Duval, Peter Lang SA, 1995.
Ce livre très touffu, dense et parfois obscur ne peut être résumé en deux pages. J'ai fait le choix de résumer avec plus de détails le chapitre 1, essentiel pour décrire les activités cognitives en jeu dans la pratique de la sémiologie graphique, qui constituera le terrain d'essai de mon mémoire.
L'auteur définit la sémiosis comme « l'appréhension ou la production d'une représentation sémiotique », il appelle noésis « les actes cognitifs comme l'appréhension conceptuelle d'un objet, la discrimination d'une différence ou la compréhension d'une inférence », mais contrairement à l'opinion dominante, il nie que la noésis commande la sémiosis. En mathématique, en effet, la possibilité d'effectuer des traitements sur les objets dépend directement du système de représentation sémiotique utilisé.
Les représentations sont classées en types fondés sur les oppositions conscient/non-conscient, et interne/externe. « - Le passage du non-conscient au conscient correspond à un processus d'objectivation pour le sujet qui prend conscience. L'objectivation correspond à la découverte par le sujet lui-même de ce que jusqu'alors il ne soupçonnait même pas, même si d'autres le lui avaient expliqué ». C'est ici qu'intervient la signification, liée au caractère « intentionnel » de l'objectivation; dans ce contexte, ce mot caractérise « l'apparaître de quelque chose à la conscience », et il permet de prendre en compte le rôle fondamental de la signification dans la détermination des objets qui peuvent être remarqués par un sujet. En effet, c'est toujours à travers une signification que se fait l'appréhension perceptive ou conceptuelle d'un objet. L'opposition externe/interne est l'opposition entre ce qui est directement visible et observable et ce qui, au contraire, ne l'est pas. Toutes les représentations dites «externes» sont des représentations produites comme telles par un suiet ou par un système. ^-es représentations externes remplissent donc une fonction de communication. Mais elles remplissent également deux autres fonctions cognitives: la fonction d'objectivation (ce n'est pas la même chose, pour un sujet, de dire à autrui ce dont il a déjà eu l'occasion de prendre conscience, ou d'essayer de se dire à lui-même ce dont il n'arrive pas encore à bien prendre conscience), comme toutes les représentations conscientes, et la fonction de traitement. La production d'une représentation exteme ne peut s'effectuer qu'à travers la mise en oeuvre d'un système sémiotique. Les représentations extemes sont essentielles pour la fonction de traitement, qui sont directement liées à l'utilisation d'un système sémiotique.
Les représentations sémiotiques sont des représentations à la fois conscientes et externes. Elles sont liées à un système particulier de signes: le langage, l'écriture algébrique ou les graphes cartésiens; elles peuvent être converties en des représentations «équivalentes» dans un autre système sémiotique, avec parfois des signifîcations différentes pour le sujet qui les utilise. La notion de représentation sémiotique présuppose donc l'existence de systèmes sémiotiques différents et celle d'une opération cognitive de conversion des représentations d'un systeme sémiotique à l'autre.
Les représentations mentales sont toutes celles qui permettent une visée d'objet en l'absence de tout signifiant perceptible. Elles sont généralement identifiées aux «images mentales» en tant qu'entités psychologiques ayant un rapport avec la perception. Mais les représentations mentales recouvrenïun domain^spTus large que celui des images. II faut y rattacher non seulement les concepts, les notions, les «idées» mais aussi les croyances et les fantasmes, c'est- à-dire toutes les projections plus diffuses et plus globales qui reflètent les connaissances et les valeurs qu'un individu partage avec son milieu, ou avec un groupe particulier, ou celles reflétant ses propres désirs. Il peut y avoir un grand décalage entre les représentations mentales d'un suiet et les représentations sémiotiques qu'il produit pour exprimer ses représentations mentales. Il y a ensuite une différence essentielle entre les représentations sémiotiques et les représentations mentales: les premières présentent un degré de liberté que les secondes n'ont pas: elles peuvent être perçues soit sous l'aspect du représentant, soit sous l'aspect du représenté.
Il existe une relation essentielle entre les représentations mentales et les représentations sémiotiques, puisque le développement des représentations mentales est une intériorisation des représentations sémiotiques au même titre que les images mentales sont une intériorisation des percepts (et de leur interprétation sociale et culturelle: voir Vygotski, B.Darras, D.Sperber, G.Durand, J.Bruner. L'auteur ne s'intéresse pas à ces variables extrinsèques.). La pluralité des systèmes sémiotiques permet une diversification des représentations d'un même objet qui augmente les capacités cognitives des sujets et par suite leurs représentations mentales. Bien plus, les représentations mentales ne peuvent jamais être considérées indépendamment des représentations sémiotiques. Ainsi donc l'auteur peut avancer l'hypothèse qu'il n'y a pas de noésis sans sémiosis et le recours à une pluralité au moins potentielle de systèmes sémiotiques, recours qui implique leur coordination pour le sujet lui-même, et que c'est la sémiosis qui détermine les conditions de possibilité et d'exercice de la noésis, et non l'inverse. La production d'images mentales dépend de processus physiques ou physiologiques analogues à ceux en jeu dans la perception. La production de représentations sémiotiques, au contraire, est soumise au respect de règles «syntaxiques» de formation et de traitement d'unités signifiantes.
La coordination des registres est dans ce contexte le point focal autour duquel va se développer la démonstration: « Le passage d'un système de représentation à un autre ou la mobilisation simultanée de plusieurs systèmes de représentation au cours d'une même démarche, phénomènes si familiers et si fréquents dans l'activité mathématique, n'ont rien d'évident et de spontané pour la plupart des élèves et des étudiants. Ceux-ci, le plus souvent, ne reconnaissent pas le même objet à travers les représentations qui peuvent en être données dans des systèmes sémiotiques différents:
-l'écriture algébrique d'une relation et sa représentatlon graphique,
-l'écriture numérique d'un rapport et sa représentation géométrique sur une droite ou dans le plan,
- l'énoncé d'une formule en français et l'écriture de cette formule sous forme littérale, etc..
Et, de façon plus significative, un tel cloisonnement persiste même après un enseignement ayant largement utilisé ces différents systèmes sémiotiques de représentation ».
Les activités cognitives de représentation liées à la sémiosis
L'auteur en décrit trois:
- la formation de représentations dans un registre sémiotique particulier, soit pour «exprimer» une représentation mentale, soit pour «évoquer» un objet réel absent. Cette formation nécessite une sélection dans l'ensemble des caractères de ce que l'on «veut» représenter. Une représentation sémiotique ne doit pas sortir du domaine défini par les règles constituant un système sémiotique. Les règles de conformité sont celles qui définissent un système de représentation et, par conséquent les.types d'unites constitutives de toutes les representations possibles dans un registre. Ces règles portent essentiellement sur: la détermination d'unités élémentaires; les combinaisons admissibles d'unités élémentaires pour former des unités de niveau supérieur: règles de formation pour un système formel, grammaire pour les langues naturelles; les conditions pour qu'une représentation d'ordre supérieur soit une production pertinente et complète: règles canoniques propres à un genre littéraire ou à un type de production dans un registre.
- la production d'une autre représentation dans le même registre: le traitement (calcul, paraphrase, anamorphose etc..)
- la production d'un autre représentation dans un autre registre: la conversion (traduction, illustration, interprétation, codage etc..).
Ces différentes activités sont regroupées dans ce qu'on appelle généralement des tâches de production et des tâches de compréhension. La production d'une réponse, celle d'un texte ou celle d'un schéma mobilisent simultanément la formation de représentations sémiotiques et leur traitement. La compréhension d'une question, celle d'un texte ou celle d'une image mobilisent soit celles de conversion et de formation, soit les trois activités cognitives.
L'enseignement privilégie l'apprentissage des règles concernant la formation des représentations sémiotiques et celles concemant leur traitement. La place faite à la conversion des représentations d'un registre à un autre est minime sinon nulle, bien que la conversion des représentations sémiotiques constitue l'activité cognitive la moins spontanée et la plus difficile à acquérir chez la grande majorité des élèves. L'absence de coordination entre les différents registres crée très souvent un handicap pour les apprentissages conceptuels. A l'inverse, un apprentissage spécifiquement centré sur le changement et sur la coordination de différents registres de représentation produit des effets spectaculaires sur les macro-tâches de production et de compréhension. La conversion des représentations est, pour l'apprentissage, une activité aussi fondamentale que les activités de formation ou de traitement. Car elle seule peut favoriser la coordination des registres de représentations.
Problèmes spécifiques aux conversions
La mise en correspondance de deux représentations appartenant à des registres différents peut être établie localement par une correspondance associative des unités signifiantes élémentaires constitutives de chacun des deux registres. Par exemple l'expression suivante : «l'ensemble des points dont l'ordonnée est supérieure à l'abscisse», et sa conversion en écriture algébrique: y > x. On voit qu'une correspondance terme à terme entre les unités signifiantes respectives est suffisante pour effectuer la conversion. Dans ce cas, la conversion inverse permet de retrouver l'expression initiale du registre de départ. On parle alors de congruence des représentations.
Mais l'expression : «l'ensemble des points qui ont une abscisse positive...» et sa conversion en écriture algébrique: x > 0 montrent qu'il n'y a pas dans l'écriture algébrique une unité signifiante qui corresponde à « positif ». II faut recourir à la périphrase « > O », combinaison de deux unités signifiantes pour pallier cette absence. L'écart à franchir pour effectuer la conversion devient encore plus grand avec l'expression suivante: «l'ensemble des points dont l'abscisse et l'ordonnée sont de même signe» et son expression algébrique: « xy > O ». Ici, il n'y a plus de correspondance terme à terme entre les unités signifiantes respectives des deux expressions: une réorganisation de l'expression donnée du registre de départ est nécessaire pour obtenir l'expression correspondante dans le registre d'arrivée. En outre, la périphrase «> O » traduit aussi bien «de même signe» que «positif». La conversion inverse ne permet pas de retrouver l'expression initiale: «x y > O» , qui se traduit naturellement par «le produit de l'abscisse et de l'ordonnée est supérieure à O (est positive)», et non par «l'ensemble des points dont l'abscisse et l'ordonnée sont de même signe ». Dans ces deux cas on parle de non-congruence des représentations; non seulement le temps de traitement augmente, mais la conversion peut se révéler impossible à effectuer, ou même à comprendre, s'il n'y a pas eu un apprentissage préalable concernant les spécificités sémiotiques de formation et de traitement de représentation qui sont propres à chacun des registres en présence.
Les critères de congruence entre représentations
Pour déterminer si deux représentations sont congruentes ou non, il faut commencer par les segmenter en leurs unités signifiantes respectives, de telle façon qu'elles puissent être mises en correspondance. Au terme de cette segmentation comparative, on peut alors voir si les unités signifiantes sont, dans chacun des deux registres, des unités signifiantes simples ou des combinaisons d'unités simples.
Le premier critère est la possibilité d'une correspondance «sémantique» des éléments signifiants: à chaque unité signifiante simple de l'une des représentations, on peut associer une unité signifiante élémentaire dans l'autre registre. On considère comme unité signifiante élémentaire tout unité qui relève du «lexique» d'un registre.
Le second critère est l'univocité «sémantique» terminale: à chaque unité signifiante élémentaire de la représentation de depart, il ne correspond qu'une seule unité signifiante élémentaire dans le registre de la représentation d'arrivée.
Le troisième critère est relatif à l'organisation des unités signifiantes. Les organisations respectives des unités signifiantes des deux représentations comparées conduit à y appréhender les unités en correspondance sémantique selon le même ordre dans les deux représentations, pour autant que celles-ci présentent le même nombre de dimension.
Ces trois critères permettent de déterminer la congruence entre deux représentations sémiotiquement différentes et représentant au moins partiellement le même contenu. Deux représentations sont congruentes lorqu'il y a correspondance sémantique entre leurs unités signifiantes, univocité sémantique terminale et même ordre possible d'appréhension de ces unités dans les deux représentations. Naturellement, il peut n'y avoir de correspondance pour aucun de ces trois critères, pour deux ou seulement pour un. La non-congruence entre deux représentations peut donc être plus ou moins grande. La difficulté de la conversion d'une représentation dépend du degré de non congruence entre la représentation de départ et la représentation d'arrivée. L'activité de conversion ne peut pas être assimilée à une inférence, même lorsqu'il y a non-congruence, parce qu'il n'y a pas de règles de conversion, alors qu'il existe des règles de traitement. C'est lorsque les traitements dans deux registres différents ne sont pas congruents qu'un changement de registre se révèle intéressant et fécond. L'intérêt d'un changement de registre est que justement on peut effectuer des traitements totalemenl différents dans l'autre registre que dans celui où sont données les représentations initiales. Ainsi le pouvoir heuristique des figures en géométrie s'explique par le fait que les traitement figuraux qu'elle permettent d'effectuer sont différents des raisonnements déductifs qui établissent un théorème dans le registre d'un écriture symbolique ou dans celui de la langue naturelle.
La non-congruence des représentations conduit le plus souvent à des échecs dans la conversion.
Enfin, les difficultés tenant à la non-congruence de la conversion peuvent encore être aggravées par la méconnaissance de l'un des deux registres de représentation. Cela est particulièrement le cas pour les différents registres bi-dimensionnels comme les graphiques cartésiens, les figures géométriques ou même les tableaux, c'est-à-dire par tous les registres pour lesquels on admet trop facilement qu'il suffit de «voir» ce que les courbes, les dessins, ou la répartition des nombres en quatre cases «montrent».
Les difficultés tenant à la non-congruence sont indépendantes de la complexité conceptuelle du contenu des représentations à convertir. En outre les difficultés tenant à la non-congruence se traduisent le plus souvent par des échecs dans les tâches qui requièrent une conversion de représentations. On pourrait donc croire qu'il s'agit là d'un phénomène secondaire, puisque dans les cas de congruence la conversion devient triviale et que les cas de conversion entre représentations congruentes sont peut- être aussi fréquents que ceux entre représentations non-congruentes. En réalité une telle vue est trompeuse car les échecs dus à la non-congruence révèlent un cloisonnement des registres de représentation. Ce cloisonnement persiste même après un enseignement ayant apparemment mobilisé différents registres de représentation. Or la coordination des différents registres est une condition nécessaire pour la compréhension.
La diversification des registres de représentation sémiotique est indispensable au développement des connaissances. Son importance pour le fonctionnement de la pensée est généralement expliquée par les différences de coût ou de limitation pour la fonction de traitement, et par celles des possibilités de présentation pour la fonction de communication, qui existent entre les registres. En effet, un registre peut permettre d'effectuer certains traitements d'une façon beaucoup plus économique et plus puissante qu'un autre. Par exemple, les figures et les schémas permettent de représenter la totalité des relations entre les éléments constituant un objet ou une situation. L'activité conceptuelle implique la coordination des registres de représentation. II faut qu'un sujet soit parvenu au stade de la coordination de représentations sémiotiquement hétérogènes, pour qu'il puisse discriminer le représentant et le représenté, ou la représentation et le contenu conceptuel que cette représentation exprime, instancie ou illustre.
L'auteur met ensuite en évidence l'existence de deux plans souvent confondus dans l'analyse de toute production des connaissances. II y a d'une part celui des connaissances construites à travers la formation et le traitement de représentatiom sémiotiques, et d'autre part celui du fonctionnement cognitif qui permet cette construction, et qui implique que le représenté soit différencié du représentant. Un sujet peut percevoir ou reproduire des représentations sans accéder à ce degré de liberté. Or ce degré de liberté est essentiel pour qu'il y ait compréhension conceptuelle ou possibilité d'un traitement formel des représentations sémiotiques d'un objet.
Pour ne pas confondre un objet et sa représentation, lorsque l'intuition directe de l'objet lui-même n'est pas possible, il est nécesaire de disposer de plusieurs représentations sémiotiquement hetérogènes de cet objet et de les coordonner. Cela veut dire que toute représentation est cognitivement partielle par rapport à ce qu'elle représente et que des représentations de registres différents ne présentent pas les mêmes aspects d'un même contenu conceptuel. Ainsi, les figures, et de façon plus générale toutes les représentations analogiques ne peuvent représenter que des états, des configurations, ou des produits d'opérations, et non pas des actions ou des transformations. Pour représenter des opérations il faut un registre qui ait les propriétés d'un langage, langue naturelle ou algèbre. On voit ainsi que la différenciation entre représentant et représenté pour les représentations sémiotiques d'un registre donné est étroitement liée à la coordination avec un autre registre de représentation. L'auteur parle de compréhension intégrative pour désigner cette compréhension des représentations sémiotiques qui procède d'une coordination de registres.
La coordination des différents registres ne s'opère pas spontanément, même au cours d'un enseignement qui mobilise cette diversité de registres. Lorsque l'acquisition de connaissances a été liée à la formation et à des traitements de représentations effectués dans un seul registre, ou a privilégié un registre particulier (l'écriture «algébrique», les graphes, les figures géométriques, les tableaux, le discours en langue naturelle), cette acquisition reste limitée à un seul registre. Et même lorsque plusieurs registres ont été mobilisés, simultanément ou successivement, cela n'entraîne pas leur coordination. Les apprentissages restent presque toujours monoregistres. Certes, cela n'exclut pas le développement d'une certaine forme de compréhension chez les élèves. Mais cette compréhension monoregistre présente un handicap majeur: dès que l'on sort du contexte dans lequel s'est fait l'apprentissage, la plupart se révèlent incapables de mobiliser les connaissances acquises et que, pourtant, «ils savent». Plus généralement une compréhension monoregistre est une compréhension qui ne permet aucun transfert. Et il ne suffirait pas d'introduire des exercices de conversion sur quelques cas typiques pour créer les conditions favorables à une coordination des registres de représentation chez les élèves. Et cela pour deux raisons. La première tient au phénomène de non-congruence; les cas de non-congruence sont toujours des cas particuliers, ils ne se laissent pas regrouper. La seconde est que la conversion des représentations requiert l'identification des unités signifiantes dans les registre départ et arrivée. Or, souvent, c'est la discrimination de ces unités signifîantes qui fait défaut. La discrimination des unités signifiantes propres à chaque registre doit donc faire l'objet d'un apprentissage spécifique.
Discrimination des unités signifiantes et variables cognitives explorées «expérimentalement»
Les unités signifiantes composant une représentation dans un registre donné ne sont pas indépendantes les unes des autres. Pour les dissocier et les appréhender isolément, il faut recourir à la méthode « toutes choses égales par ailleurs »: la discrimination des unités signifiantes d'une représentation dépend de l'appréhension d'un champ de variations possibles dans un autre registre. L'apprentissage de l'opération de conversion ne peut être que l'organisation d'un champ de variations possibles. Il faut pouvoir faire explorer toutes les variations possibles d'une représentation dans un registre en faisant prévoir, ou observer, les variations concomitantes des représentations dans l'autre registre. Comme le coût de la tâche cognitive change avec le sens de la conversion, chacun des deux registres de représentation doit être l'objet d'un travail d'exploration pour les variations systématiques et d'un travail d'observation pour les variations concomitantes. Depuis Saussure, il est classique de distinguer les unités signifiantes d'un système sémiotique en recourant au principe d'oppositivité: deux signes se distinguent quand ils s'opposent par un trait. Car un signe est défini par sa différence avec d'autres signes Ce principe saussurien fournit une méthode pour faire varier systématiquement une représentation donnée dans un registre déterminé. Le structuralisme linguistique qui s'est developpé depuis Saussure repose en grande partie sur l'utilisation de cette méthode.