Ce texte constituera un nouveau chapitre pour une deuxième édition (déjà) du livre qui est édité par De Boeck. C'est pourquoi, on trouve des allusions à l'ouvrage, à des chapitres précédents, etc.

 

 

Des méthodes actives

pour une utilisation effective

des technologies

 

 Marcel Lebrun

Institut de pédagogie universitaire et des multimédias

Grand-rue, 54

B-1348 Louvain-la-Neuve

 

Pourquoi parler de méthodes pédagogiques et en particulier de celles qui se réfèrent à la pédagogie active dans un ouvrage consacré aux nouvelles technologies de l’éducation ?

Nous avons abondamment montré dans un chapitre précédent que l’efficacité pédagogique des nouveaux outils ne se révèle qu’au travers de dispositifs et de méthodes pédagogiques particuliers dont nous avons épinglé certaines caractéristiques :

Les résultats des recherches concernant les technologies de l’éducation confirment largement ces points de vue : les outils technologiques utilisés à la mode des formes les plus traditionnelles de l’enseignement (savoirs et tutoriels, savoir-redire et répétiteurs, savoir-faire cognitif et exerciseurs) n’ont pas apporté les bénéfices escomptés. Ces bénéfices sont apparus au niveau de la qualité et de la profondeur des activités mentales générées par les activités proposées dans les dispositifs innovants éventuellement soutenus par les outils technologiques.

 

 " Just remember : in most cases, effective teaching with technology is effective teaching by any means "

 

Au niveau de la pédagogie active, il est important de réaliser que dans l'un de ses slogans " Learning by doing ", c’est l’activité mentale de l’apprenant qui est mise en évidence, qui est mise à l’épreuve. Même si, en apparence, l’utilisation de l’ordinateur révèle diverses activités de l’élève qui utilise le clavier, manipule la souris, c’est bien au niveau de l’activité cognitive que l’impact de ces dispositifs et des outils technologiques est à rechercher : la qualité de cette activité dépend étroitement des dispositifs pédagogiques et des intentions ainsi que des objectifs qui les déterminent. Ces propos sont à rapprocher de la distinction que nous avons proposée à propos des concepts d’interactivité fonctionnelle (liée à la manipulation de l’outil) et d’interactivité relationnelle (liée à la relation avec les constituants du dispositif : savoirs et partenaires de la situation didactique).

Finalement, nous avons préféré parler ici de technologies de l’éducation, plutôt que de technologies de l’information et de la communication (TIC) pour bien souligner le fait que, dans notre domaine, les ingrédients du dispositif (information et communication) sont assujettis au développement cognitif, affectif et relationnel du sujet : l’éducation dont nous parlons est celle qui ouvre le sujet, le conduit au-dehors (e-ducere) plutôt qu'elle ne l'enferme dans des savoirs prescrits, des savoirs à simplement redire, des savoirs immuables et donc bien souvent "morts".

Dans ce document, nous nous attacherons à décrire certaines méthodes en montrant à la fois d’une part les objectifs qui les sous-tendent et d’autre part le rôle que pourraient jouer les outils technologiques dans les dispositifs mis en place.

 

1. Des pédagogies actives ?

 

La forme littéraire (et donc séquentielle) de ce document nous oblige à décrire de manière sérialiste différents exemples de pédagogie active. Nous en choisirons certaines afin de couvrir au mieux les différentes activités qui peuvent être proposées aux apprenants ; en effet ces méthodes pédagogiques mettent chaque fois l’accent sur l’une ou l’autre facette du mécanisme d’apprentissage, sur l’une ou l’autre facette du rôle de l’enseignant.

Nous pensons que malgré les qualités que les méthodes présentées manifestent, elles souffrent toutes des facettes qui sont le moins exploitées. LA méthode abstraite idéale n’existe pas : nous conseillons plutôt à l’enseignant d’épingler dans chacune des méthodes proposées les ingrédients qui l’intéressent afin qu’il puisse construire sa propre méthode. Ce choix sera déterminé par les objectifs de l’activité, la nature du sujet traité, la composition du groupe-classe, les ressources et outils disponibles et finalement les affinités personnelles de l’enseignant.

Avant de commencer une description de ces différentes méthodes, il nous semble intéressant de démarrer par une histoire qui les mêle, créant ainsi un scénario probable ou possible :

 Janvier 2000. Un nouveau cours commence … le professeur, après s'être présenté, a distribué son plan de cours : objectifs, contenus, ce qu'il attend de nous, consignes pour le travail personnel … ça démarre sur les chapeaux de roue. Pour nous mettre dans le bain, il nous a proposé de brèves séquences vidéo qui nous ont montré à quoi ce qu'il allait nous apprendre (ou plutôt insista-t-il, ce que nous allions apprendre) pouvait bien servir : des professionnels en plein boulot, des clients jamais contents avec des exigences démesurées, avec des problèmes à n'en plus finir, des retards dans la chaîne de production et cet ordinateur qui cale au dernier moment … passionnant ! Vraiment je me voyais dans quelques années en train de faire fonctionner tout cela. Au cours suivant, un "spécialiste", un collègue du prof, vint nous raconter son travail et nous présenta un dossier sur lequel il travaillait depuis quelque temps … ça avait l'air compliqué pour lui ; d'abord je n'ai pas compris tout ce qu'il disait avec des réglementations par ici, des modèles devenus caduques par là … le professeur (qui devait quand même bien avoir son idée là-dessus) nous demanda quelles questions cette situation nous suggérait-elle (curieux, pour une fois on nous demandait de poser les questions …) ; plus fort encore à chaque question, il demandait à l'auditoire si quelqu'un avait une suggestion, une réponse, une hypothèse explicative disait-il ? Des idées fusèrent de partout mais encore fallait-il vérifier leur pertinence … certains proposèrent des trucs auxquels je n'aurais jamais pensé ou que je ne pouvais pas croire ; d'autres émirent des idées qui me disaient quelque chose suite à une émission que j'avais vue à la télé. Cette histoire toute simple en apparence devenait vraiment compliquée.

C'est ici que le travail commence nous dit le professeur : pendant les trois semaines à venir, on allait travailler en autonomie en nous appuyant sur le dossier qu'il avait préparé pour nous et qui était disponible à la DUC. Des références théoriques de bouquins, d'articles, des coupures de presse, des adresses WWW et aussi les fameuses consignes. J'étais dans le groupe treize avec cinq autres étudiants ; une première rencontre était prévue dans le hall des auditoires et à partir de ce moment on devait se débrouiller pour se retrouver au moins six fois, se partager les rôles (meneur, animateur, rapporteur), analyser ensemble au moins trois des pistes (les fameuses hypothèses) qui avaient été lancées, critiquer en bien et en mal les solutions proposées, rédiger un rapport commun. En plus chacun de nous devait présenter et argumenter sa propre solution au défi que le spécialiste nous avait lancé.

Ces trois semaines furent vraiment très agitées. Oui, bien sûr on avait "lu" (enfin presque) les documents proposés, oui bien sûr on avait sa petite idée mais à discuter avec les autres on n'était plus tout à fait sur d'avoir vraiment compris, d'avoir vraiment la solution qu'on croyait toute cuite. On décida même d'aller voir un assistant (le dossier contenait les noms des personnes ressources pour notre problème) qui nous aida un peu à y voir plus clair ; une visite à une entreprise du zoning apporta encore des informations intéressantes. On était près du but quand quelqu'un arriva avec un cas qu'il connaissait ou qu'il avait trouvé dans un livre, et tout fut remis en question … ah, ces cours où on pose plus de questions que de nous donner simplement les "bonnes" réponses.

Au cours suivant, quelques semaines plus tard, on passa en revue avec le professeur les pistes et les solutions investiguées … Quelques-unes seulement surnageaient, mais de nouvelles étaient aussi apparues … on commence à comprendre pourquoi avec la recherche le travail n'est jamais fini. Même si on en doutait un peu avant, on s'est rendu compte qu'on avait appris plein de choses … Le professeur nous renvoya pour une semaine de plus afin que nous puissions achever la partie personnelle et critique du travail : outre l'analyse structurée de la démarche que nous avions entreprise, une partie théorique devait constituer la synthèse des ingrédients théoriques que nous avions récoltés et qui étaient pertinents par rapport à la solution que chacun de nous finalement proposait ; ce travail ainsi que le travail de groupe étaient à remettre dans deux semaines. Au cours suivant, le professeur nous proposerait un test afin que nous puissions évaluer nous-mêmes (le monde est vraiment à l'envers) les progrès accomplis ; un nouveau dossier nous serait aussi proposé pour le reste du quadrimestre.

Voilà, on est à la mi-quadrimestre, que de chemin parcouru ; je suis particulièrement fier de mon travail personnel que j'ai écrit de A à Z, avec les citations (en anglais, s'il vous plaît) et les références, un graphique illustrant la démarche entreprise … j'ai bien envie que le "spécialiste" me donne son avis. Je l'ai montré à un collègue de papa qui travaille dans le domaine et il m'a dit qu'au moins à l'UCL on formait de véritables universitaires capables tout à la fois de construire leurs propos sur des bases théoriques solides tout en gardant les pieds sur terre ; en plus, il trouvait vraiment important qu'on nous fasse travailler en équipe sur des problèmes concrets … dire qu'il y a quelques années d'ici, le seul "boulot" qu'on nous demandait était d'écouter sagement le professeur et de lui répéter à l'examen ce qu'il avait dit … Oui vraiment, je commence à aimer apprendre.

Par rapport à ce texte, nous pourrions faire l’exercice d’examiner si les composantes d’un apprentissage de qualité (voir article précédent) sont bien présentes :

 

2. Quelques méthodes pédagogiques actives

 

Il nous faut maintenant mieux définir ce que nous entendons par pédagogie active et en choisir quelques formes prototypiques (dans le sens où, suivant notre introduction, ces formes ne se rencontrent que rarement " pures " ; nous avons par ailleurs encouragé le lecteur à construire sa propre " méthode " en fonction des divers éléments de son contexte).Pour définir au mieux ce que nous entendons par pédagogie active, nous repartirons d’une définition de l’apprentissage proposée dans un chapitre antérieur et basée sur le socio-constructivisme (on transforme l’information en connaissance, on construit ses connaissances en s’appuyant sur les ressources (matérielles et humaines) de l’environnement au sens large) :C’est ainsi que nous proposons une définition extraite d'un article de R.B. Kozman (1991) : Learning with media . Nous l'avons choisie dans cette introduction car elle présente en quelques lignes de nombreuses facettes que nous développerons plus loin.

" L'apprentissage peut être vu comme un processus actif et constructif au travers duquel l'apprenant manipule stratégiquement les ressources cognitives disponibles de façon à créer de nouvelles connaissances en extrayant l'information de l'environnement et en l'intégrant dans sa structure informationnelle déjà présente en mémoire "

Nous ne pouvons reconstruire les intentions de l’auteur mais, quant à nous, nous incluons dans l’environnement ses composantes matérielles (documents, outils …) et humaines (acteur du terrain, enseignant, autres étudiants …).Nous proposons une définition "correspondante" de l'acte d'enseigner . Elle est extraite du livre de G. Brown et M. Atkins (1988), Effective teaching in higher education :

" L'enseignement peut être regardé comme la mise à disposition de l'étudiant d'occasions où il puisse apprendre. C'est un processus interactif et une activité intentionnelle.

Les buts … peuvent être des gains dans les connaissances, un approfondissement de la compréhension, le développement de compétences en "résolution de problèmes" ou encore des changements dans les perceptions, les attitudes, les valeurs et le comportement. "

Ces définitions sont toutes les deux fortement imprégnées par le fait que le pilote de l'apprentissage est l'étudiant lui-même qui en construisant ses connaissances, se construit lui-même et qui, "en retour", en se construisant acquiert des différents types de savoirs.

Cette approche constructiviste de l’apprentissage s’appuie principalement sur les travaux de Jean Piaget sur le développement psychologique de l’enfant dans lesquels il a montré l’importance de la personne qui apprend dans le processus d’apprentissage : ce n’est ni une " tabula rasa " que l’enseignement devrait garnir, ni un animal qu’il suffirait de dompter. Dans ce cadre, les connaissances antérieures ou acquises en dehors du contexte scolaire ou d’apprentissage (l’expérience de tous les jours) se révèlent de la plus haute importance pour les apprentissages ultérieurs. Les recherches sur les conceptions (ou encore pré-conceptions ou conceptions naïves ou parfois misconceptions) témoignent de l’importance de ces éléments.

Soulignons encore une fois ici l’importance des intentions et des méthodes pédagogiques qui sous-tendent ce point de vue : nul besoin de dispositifs compliqués ou de multimédias interactifs. Célestin Freinet l’avait très bien compris quand, il y a un siècle déjà, il faisait réaliser à ses élèves le " Journal de la classe " plutôt qu’une rédaction sur un thème inintéressant et poussiéreux. La présence des ressources (matérielles) que l’enseignant met à la disposition des élèves est aussi à souligner ; il s’agit des briques élémentaires avec lesquelles l’apprenant va construire sa " maison de connaissances ". C’est ici que le I (informations) des TIC peut s’avérer utile pour l’apprentissage.

Les caractères interactifs ou sociaux de l’apprentissage sont aussi mis en évidence : l’école de pensée autour de Jérôme Bruner met en évidence l’importance des relations interpersonnelles dans le mécanisme d’apprentissage. Nos connaissances évoluent quand elles sont remises en question par des événements de l’environnement : un fait en contradiction avec ce que je pense, une opinion en désaccord avec ma façon de voir les choses … Ce déséquilibre dans les conceptions induira la recherche d’un équilibre nouveau : c’est ce qu’on appelle le changement conceptuel. Ceci se passe bien si les caractéristiques et la préparation du groupe sont adéquates … nous en reparlerons plus loin.

C’est ici que le C (communication) des TIC peut s’avérer utile pour l’apprentissage.

 

Après ces considérations générales, il nous faut à présent dresser un inventaire des caractéristiques de la pédagogie active : 

Le caractère personnel de l'apprentissage;

Le rôle catalyseur des connaissances antérieures;

L'importance des "ressources" à disposition;

Le rôle du contexte et de l'expérience concrète;

Les compétences de haut niveau à exercer;

La "démarche de recherche" dans l'apprentissage;

Le changement conceptuel (prise de conscience, déséquilibre, reformulation);

Le caractère interactif et coopératif de l'apprentissage;

Le lien entre projet personnel, professionnel, d'études;

L’importance d’une construction, d’une production;

Le rôle de la réflexion sur l'apprentissage qui se passe (le caractère méta).

 

A ce niveau, il serait intéressant de reprendre notre histoire du début et de tenter d’identifier ces diverses composantes et la manière dont elles ont été mises en place.

Sans prétendre épuiser le sujet, il nous a semblé, à priori, que trois méthodes pédagogiques dites actives couvraient relativement bien l’ensemble de ces caractéristiques :

 

  • L’apprentissage par résolution de problèmes (ARP) et son éclairage particulier sur les tâches et les situations d’enseignement
  • L’apprentissage coopératif (AC) et son éclairage particulier sur les formes collaboratives de l’apprentissage et de l’enseignement
  • La pédagogie du projet ou par le projet (PP) et son éclairage particulier sur le développement complet de la personne de l’étudiant

 

Quelques remarques s’imposent d’emblée :

Ces méthodes ne sont pas exclusives : l’apprentissage par résolution de problèmes peut recourir à certaines formes collaboratives (travail en équipe) et déboucher sur la production d’un projet personnel.

Ces méthodes ne sont pas nouvelles : elles ont été mises en place dans certaines institutions, de manière parfois discrète, il est vrai, bien avant l’avènement des nouvelles technologies et des multimédias. Comment se fait-il qu’elles soient si peu répandues malgré l’énonciation par les acteurs de la société (voir chapitre précédent) d’objectifs de haut niveau qu’elles pourraient satisfaire ? Quels sont les freins ? Que remettent-elles en cause ?

Reprenons à présent nos trois méthodes et mettons-les en regard des caractéristiques de la pédagogie active :

 

 ARP

 

 PP

 

 AC

 

Le caractère personnel de l'apprentissage

 

+/-

 

+

 

-

 

Le rôle catalyseur des connaissances antérieures

 

+/-

 

+/-

 

+/-

 

L'importance des "ressources" à disposition

 

+

 

+/-

 

+/-

 

Le rôle du contexte et de l'expérience concrète

 

+

 

+

 

+/-

 

Les compétences de haut niveau à exercer

 

+

 

+

 

+

 

La "démarche de recherche" dans l'apprentissage

 

+

 

+

 

+/-

 

Le changement conceptuel (prise de conscience, déséquilibre, reformulation)

 

+

 

+/-

 

+

 

Le caractère interactif et coopératif de l'apprentissage

 

+ /-

 

-

 

+

 

Le lien entre projet personnel, professionnel, d'études

 

+

 

+

 

-

 

L’importance d’une construction, d’une production

 

+/-

 

+

 

+/-

 

Le rôle de la réflexion sur l'apprentissage qui se passe (le caractère méta)

 

+/-

 

+

 

+/-

 

Il est évident que cette classification est sujette à différents débats qui dépendent largement de l’expérience concrète qui serait examinée avec ces grilles. Encore une fois, dans la pratique ces méthodes prototypiques ne se trouvent pas à l’état pur. Nous avons simplement voulu ici mettre l’accent sur les caractéristiques qui émergent le plus dans les documents qui traitent de ces méthodes.

De manière encore plus caricaturale, nous proposons ci-dessous un positionnement des méthodes pédagogiques choisies par rapport au pentagone de l’apprentissage que nous avons proposé dans un chapitre précédent :

 

 

Dans les sections qui suivent, nous avons, à titre illustratif, associé à chacune de ces méthodes UN rôle possible ou dominant des outils technologiques. Ainsi, après une description de l’ARP, nous passerons en revue les possibilités des outils technologiques quant à la recherche et l’accès à l’information.Dans la section relative à l’AC, nous examinerons quelques vecteurs et quelques possibilités d'interaction et de communication offerts par les technologies. Finalement après avoir décrit certaines composantes de la PP, nous présenterons quelques outils de production de connaissances, de modèles, de concepts, des outils susceptibles de transformer les informations en connaissances, d’illustrer le fonctionnement de systèmes complexes, de vérifier des hypothèses, de contribuer à la réalisation des supports de projets personnels, etc. Ces associations résultent d’un choix que nous illustrons dans les cases grisées du tableau ci-dessous qui résume nos propos.

 

 

Passons maintenant en revue ces trois méthodes de manière beaucoup plus systématique en mettant en évidence leurs points forts, leurs difficultés et les rôles possibles des outils technologiques.

 

2.1 L’apprentissage par résolution de problèmes

 

Les considérations ci-dessous sont le fruit d’un travail mené dans le cadre des formations de l'IPM (Institut de Pédagogie universitaire et des Multimédias) et dans le cadre du " séminaire de construction et d’évaluation d’un projet de formation ". Je remercie mes collègues V. Godin, F. Saussez et P. Wouters ainsi que mon co-titulaire, Léopold Paquay, et mes étudiants, S. Errkiba et J. Plumat pour leur aide.

L’apprentissage par problèmes ou par résolution de problèmes (ou encore en anglais, la PBL &emdash; Problem-Based Learning) peut être vu comme une façon de concevoir l'ensemble d'un programme d’enseignement ou comme une démarche pédagogique parmi d’autres dans le cadre d'un cours donné. C’est la faculté de médecine de la McMaster University à Hamilton, Ontario, Canada qui a la première exploité cette approche originale d’enseignement dès sa création en 1970. Son exemple fut suivi rapidement par la Rijkuniversiteit Limbourg à Maastricht aux Pays-bas. C’est dans les facultés de médecine que se sont développées initialement ces formes particulières d’enseignement.

On peut épingler dans la littérature différentes sources ou différentes causes à cette recherche de renouveau pédagogique :

Par rapport à ces constats, une méthode pédagogique basée sur la résolution (non pas l’application d’une théorie toute faite à un exercice construit pour révéler le fonctionnement de la théorie et déterminé par la fait que la théorie y apporte une réponse) de problèmes concrets extraits de situation de la vie quotidienne ou professionnelle fut progressivement établie. En voici six piliers :

A titre d'exemple, les sept étapes de la démarche (the seven steps) proposées par la Rijkuniversiteit Limbourg à Maastricht recouvrent relativement bien ces piliers :

  • ETAPE 1 : clarifier les termes et les concepts;
  • ETAPE 2 : définir précisément "le" problème;
  • ETAPE 3 : analyser le problème;
  • ETAPE 4 : établir la liste des explications possibles;
  • ETAPE 5 : formuler les objectifs de la recherche (et de l'apprentissage);
  • ETAPE 6 : collecter les informations utiles dans l'environnement;
  • ETAPE 7 : évaluer les informations recueillies.

Les gestionnaires du programme PBL de cette université soulignent cependant plusieurs difficultés au niveau de l'analyse du problème par les étudiants, au niveau de la prise en compte de toutes les informations du problème initial … les compétences de haut niveau nécessaires restent difficiles à acquérir et à développer.

 

2.1.1 Mais quelles sont les caractéristiques d’un bon problème ?

 

La littérature présente différents types de problèmes, différents au niveau des thèmes choisis, des contextes dans lesquels ils s’inscrivent, des modes d’élaboration, des activités qui sont proposées aux apprenants, du caractère plus ou moins ambigu de leur énonciation, de l’habillage qui est choisi. Cependant ces caractéristiques de surface ne doivent pas occulter ni les besoins (de connaissances, de savoir-faire, de comportements ou d’attitudes) des apprenants qu’ils sont censés remplir ni les objectifs d’apprentissage qui les déterminent largement.

Différentes façons d’élaborer un problème sont possibles :

 

Le problème est souvent bâti autour d’une situation (un fait, un événement …) de la vie courante ; sa formulation doit être concrète et interpellante. De plus, son expression et les activités qu’il risque d’entraîner doivent être accessibles pour l’apprenant … un bon problème est ni trop compliqué, ni trop simple. Finalement les modes de présentation et les activités suggérées doivent être diversifiées : Des récits d’experts, une présentation vidéo, une lecture d’un article scientifique ou de la presse quotidienne. Les indices révélés par ces modes de présentation seront ainsi eux aussi variés afin d’habituer l’apprenant à les discerner au travers des différents canaux de communication (indices visuels, auditifs, non-verbaux, etc.).

Les problèmes proposés seront accompagnés d’une bibliographie importante mais ciblée afin d’habituer l’apprenant à se documenter, à s’informer et à apprendre par lui-même ; les médias (livres, cassettes vidéo, multimédias, logiciels de simulation, sites internet, etc.) utilisés seront également variés pour les raisons que nous avons mentionnées plus haut.

La préparation des ressources et leur utilisation par les étudiants posent parfois de nombreux problèmes : où trouver une information complète et actuelle sur la problématique ? Comment mettre un nombre suffisant de ces ressources à la disposition des étudiants ? Où localiser ces ressources particulières qui trouvent parfois difficilement place dans les bibliothèques traditionnelles ? Comment coupler ce centre de ressources avec un lieu où les étudiants puissent travailler ensemble, échanger ? (les silencieuses bibliothèques deviennent de véritables ruches où les savoirs en développement bourdonnent).

C’est pour ces raisons que nous avons positionné l’ARP sur le pôle informations-ressources de notre pentagone de l’apprentissage ; c’est là aussi que les technologies peuvent apporter le plus de solutions.

C'est sur ce pôle de l'ARP lié à l'information que les outils technologiques peuvent avoir la plus grande incidence. Internet regorge véritablement d'informations de toute nature : des informations liées ou dédicacées à l'éducation, d'autres émanant du milieu professionnel, d'autres encore provenant de groupes de pression … Les outils qui permettent d'accéder à ces informations, de les retrouver, de les catégoriser deviennent chaque fois de plus en plus performants. Utiles pour l'enseignant et pour l'étudiant, ils ne contribueront à l'apprentissage que s'ils sont canalisés par des activités signifiantes, porteuses de compétences de haut niveau, orientées vers l'atteinte d'objectifs particulièrement bien définis et adaptés.

 

2.1.2 Des problèmes pour quel type d’apprentissage ?

 

Les problèmes proposés aux étudiants doivent déclencher des activités d’ordre cognitif mais également social. Ces activités de haut niveau taxonomique s’apparentent, selon nous, à une véritable activité de recherche dans laquelle l’apprenant doit :

Ces apprentissages seront multidisciplinaires ou interdisciplinaires. Les démarches proposées constituent une véritable occasion d’intégrer les connaissances : un problème relevant de l’écologie fera appel à des notions de physique et de chimie mais aussi à des notions d’économie, de santé publique, de politique. Cette mobilité intellectuelle (qui se cache parfois un peu trop derrière " l’activité ") est une caractéristique importante des intellectuels qui devront résoudre de véritables problèmes dans leur futur contexte quotidien et professionnel.

L’intégration des connaissances auquel est confronté l’apprenant se reflète souvent dans une révision de la structure des programmes et des systèmes d’évaluation.

À la vision traditionnelle, linéaire et juxtaposée des cours relatifs aux disciplines , l’ARP propose une vue transverse constituée de blocs (construits autour de problèmes faisant appel aux diverses disciplines du programme) ; ces blocs s’achèvent sur la passation d’un Blok-test qui assure l’évaluation continue et formative. Un progress-test permet à l’apprenant d’évaluer sa progression sur l’ensemble de la " matière " du programme.

 

2.1.3 On n’apprend pas tout seul. On n’apprend pas d’une seule manière.

 

Dans les dispositifs d’ARP, les temps de travail individuel alternent avec des temps de travail en groupe ou en présentiel (en présence des enseignants, des assistants ou des tuteurs).

Les travaux de groupe nous paraissent important à deux moments particuliers que nous avons dessiné dans un cycle possible de l’ARP.

Après la phase collective de présentation du thème, des activités et des ressources (1), les étudiants se retrouvent en groupe restreint (avec ou sans assistant) afin de débroussailler le sujet, d’organiser une tempête d’esprit (brainstorming) autour du thème, d’émettre les premières questions et hypothèses, de partager le travail. Ensuite ils travailleront individuellement (2) à parcourir les pistes que l’étape (1) aura mise en évidence. Puis, ils se retrouveront (3) afin de se présenter les uns aux autres les fruits de leurs travaux. Finalement un travail individuel permettra la rédaction éventuelle de leur rapport personnel (4). Ces différentes phases peuvent être accompagnées d’activités en grand groupe (exposés de synthèse, conférences) ou d’activités pratiques et de laboratoire. Un nouveau problème permettra de recommencer ce cycle particulier d'apprentissage (5).

Les travaux de groupe sont importants pour développer les compétences relationnelles et sociales des étudiants mais également sur le plan cognitif (compréhension, analyse, évaluation …). C’est à cette occasion que l’étudiant sera amené à expliciter, approfondir, confronter, argumenter, évaluer, transformer ses connaissances bref à opérer les changements conceptuels dont nous avons parlé.

Les activités, qui égrènent le cycle de l’ARP, seront elles aussi variées afin de rencontrer les différents modes d’acquisition des connaissances, des compétences et des attitudes. Comme nous l’avons vu dans un chapitre précédent, on peut apprendre :

Les nouvelles technologies peuvent apporter ici aussi un soutien précieux : les multimédias, les logiciels informatiques (tutoriel, exerciseur, logiciel de modélisation et de simulation …) sans oublier les logiciels habituels de bureautique peuvent tous contribuer à cette variété des modes d’apprentissage.

Les technologies peuvent également contribuer aux phases nécessitant l'interaction entre les étudiants et les enseignants ; nous y reviendrons plus en détail dans la section consacrée à l'apprentissage coopératif.

 

2.1.4 Quelques conséquences de l’ARP

 

Les analyses et recherches entreprises autour des programmes d’ARP mettent en évidence les points positifs suivants :

Quand les conséquences deviennent des conditions

La mise en place de l’ARP provoque toute une série de changements qu’il est important de considérer lorsqu’on souhaite l’instaurer avec un maximum de chances de succès.

Comme les technologies " nouvelles ", ces dispositifs " nouveaux " provoquent ou nécessitent diverses transformations (on peut se souvenir des conclusions des expériences ACOT analysées dans un précédent chapitre) :

 

2.1.5 Une place pour les outils technologiques dans l’ARP

 

Nous avons choisi de décrire ici certaines possibilités des outils technologiques relatives à l'accès aux informations et à la recherche d'informations. Notre propos n'est pas de réduire l'ARP à ces deux facettes. D'une part, nous souhaitons souligner que ces activités sont complexes surtout si nous les exercons sur un support relativement ouvert comme l'est Internet : les démarches à mettre en place sont évoluées (analyse, sens critique, épreuve de validation, etc) et s'apparentent bien souvent à une démarche scientifique à part entière. D'autre part, la recherche de problèmes intéressants et la préparation des ressources associées par l'enseignant, l'instruction du dossier et l'analyse des informations par l'étudiant réclament cette entrée par l'information.

Nous proposons ci-dessous quelques sources d'informations et quelques outils de traitement de l'information hiérarchisés par les considérations suivantes :

- le degré d'ouverture du support (du caractère relativement "fermé" de l'encyclopédie sur cédérom au caractère plus "ouvert" de l'Internet);

- la qualité et la possibilité des outils permettant l'accès, l'analyse, la structuration des informations (de la recherche de l'occurence d'un mot donné quelque part dans la base de données à la recherche filtrée des informations par diverses considérations thématiques, temporelles, etc).

La richesse des outils mis à disposition est souvent fonction de la structure proposée à l'utilisateur pour parcourir ou rechercher les informations :

- la structure "dictionnaire" avec la recherche d'un mot donné (relativité, par exemple);

- la structure "encyclopédie" avec la recherche d'informations dans un thème ou un champ disciplinaire donné (relativité en physique, en sciences), pour une période donnée (relativité entre 1905 et 1925), pour une région géographique donnée (relativité aux Etats-Unis);

- la structure "base de données" avec la possibilité d'effectuer des recherches sur la base de mots-clés ou d'association de mots-clés par divers connecteurs logiques ou de proximité : (technologies ET éducation ET (école OU université) ou (technologies ET éducation dans la même phrase, dans le même paragraphe, dans le même article).

Par rapport aux nombreuses sources d'informations, les encyclopédies sur cédérom offrent quelques garanties de qualité : prolongement des encyclopédies sur papier (Hachette, Universalis), ces encyclopédies électroniques bénéficient du concours d'experts dans les différentes disciplines qui sont traitées.

 

Le cédérom encyclopédique Hachette

Parmi les différentes possibilités de parcours (alphabétique comme dans un dictionnaire, thématique comme dans une encyclopédie couvrant les grands champs de la connaissance), parmi les différents options de recherche offertes à l'utilisateur (le type de support - un texte, une image, un son -, les filtres logiques, temporels ou spatiaux), nous proposons, à titre d'illustration, l'écran de recherche ci-dessous :

Les encyclopédies sur cédérom se sont récemment élargies en proposant des mises à jour ou des compléments à télécharger à partir de l'Internet. Par rapport au support papier (qui rend difficile ces mises à jour), c'est l'actualité qui vivifie les informations. Nous en donnons deux exemples en laissant au lecteur le soin de parcourir ces sites Internet:

 

Site HACHETTE sur le Web

http://www.encyclopedies.hachette-livre.fr/

 

Certaines encyclopédies atteignent parfois un stade "d'interactivité relationnelle" (au-delà de l'interactivité fonctionnelle des menus, boutons et autres objets cliquables) en permettant au consultant de poser des questions à un panel d'experts ou de parcourir des listes de questions-réponses: c'est le cas de l'encyclopédie Havas.

 

Site Sésame (Encyclopédie Havas) sur le Web

http://www.sesame.hol.fr/SESAME.HTM

 

Plus loin encore dans le paramètre d'ouverture de l'information, l'université de Stanford, dans sa librairie virtuelle (WWW virtual library) propose une structure hiérarchique de pages qui supportent les différents champs et sous-champs de la connaissance : un clic sur la page principale (Home Page) sur le champ "Education" nous conduit à une autre page portant diverses déclinaisons ou spécifications du champ de départ : les sciences cognitives, l'enseignement à distance, la technologie éducative, etc.

Un clic sur "Educational Technology" nous conduit alors vers un site remarquable ou sélectionné par l'université de Stanford : dans notre cas, nous aboutirons sur les écrans du TECFA (Technologies de Formation et Apprentissage de l'université de Genève). Cette sélection de sites, effectuée par une université de renom, garantit dans une certaine mesure la qualité des informations que l'on peut y glaner.

 

La librairie Virtuelle du Web : The WWW virtual Library

http://vlib.stanford.edu/Overview.html

 

 

D'autres sites sur Internet travaillent plus largement encore. Au niveau du principede départ, ces sites (Yahoo, Altavista, Lycos, etc) offrent aussi des pages et des sous-pages couvrant différents thèmes et sous-thèmes. Au bout de ce parcours, différents sites, répondant le mieux possible aux critères énoncés, sont proposés.

De plus, ils fournissent un moteur de recherche dans une version simple (rechercher un mot dans l'ensemble de la base de données, dans un thème ou un sous-thème particulier) ou dans une version plus évoluée (souvent accessible par des boutons marqués options ou encore advanced search) : dans ce cas, les recherches par équation logique sont permises avec différents filtres (la langue, la date du document, etc).

Ces sites proposent également des feuilles d'actualité.

 

Yahoo

http://www.yahoo.fr

 

Les recherches sont parfois rendues difficiles par le fait que la syntaxe des équations de recherche peut différer d'un site à l'autre (il est d'ailleurs conseillé de parcourir le Help qui donne les différentes règles d'écriture de ces équations et différents exemples).

Pour donner un exemple, la recherche d'un site concernant les technologies éducatives se formaliserait en:

TECHNOLOGIE AND EDUCATIVE dans l'un

+TECHNOLOGIE +EDUCATIVE dans l'autre.

Cette recherche est parfois facilitée (mais aussi limitée) par la possibilité d'accéder à un formulaire qui aide l'utilisateur à formuler plus simplement sa requête.

 

Recherche avec EXCITE.COM

http://www.excite.com

 

Un petit mot pour terminer : lorsque l'information est découverte, il est important de s'assurer de sa qualité, de sa validité et de son adéquation avec le niveau souhaité. Différents indices peuvent nous y aider :

 

Il serait intéressant à ce stade de passer en revue notre petite histoire du début et

d'épingler les traits significatifs empruntés à l'ARP

de compléter le scénario décrit avec d'autres éléments dérivés de l'ARP.

d'imaginer une place possible pour les outils technologiques.

 

2.2 L’apprentissage coopératif

 

Les considérations ci-dessous sont le fruit d’un travail mené dans le cadre des formations de l'IPM (Institut de Pédagogie universitaire et des Multimédias) et dans le cadre du " séminaire de construction et d’évaluation d’un projet de formation ". Je remercie mes collègues E. Bourgeois, M. Frenay et P. Wouters ainsi que mon co-titulaire, Léopold Paquay, et mes étudiants, J. Bortuzzo et J.F. Degelaen pour leur aide.

Dans un ouvrage récent consacré à l’apprentissage et à la formation des adultes, Bourgeois reprend à Cohen la définition de l’apprentissage coopératif. Il s’agit de " faire travailler les apprenants en groupes suffisamment restreints pour que chacun ait la possibilité de participer à une tâche collective qui a été clairement assignée. De plus, les apprenants sont censés réaliser la tâche sans la supervision directe et immédiate de l’enseignant ".

Un apprentissage coopératif suppose donc un travail en groupe, mais tout travail en groupe ne signifie pas nécessairement apprentissage coopératif. Pour qu’on puisse parler d’une tâche coopérative, cette dernière doit être formulée de manière à ce qu’un étudiant seul ne puisse pas la résoudre, c’est-à-dire qu’elle nécessite une réelle coopération entre les membres du groupe. En quelque sorte, il faut qu’il y ait " dépendance " des étudiants les uns par rapport aux autres. De plus, l’enseignant doit explicitement demander et favoriser une coopération entre les étudiants. (Nous utilisons le terme de coopération pour bien insister sur le fait que les étudiants coopèrent tout au long de la tâche; dans la collaboration, le travail est souvent partagé dès le départ entre les partenaires qui font le travail assigné chacun de leur côté).

On peut souligner dans ces démarches l’importance de la tâche de départ et son rôle déterminant pour la motivation des apprenants. Nous avons eu l’occasion dans un chapitre précédent de parler de la nécessaire motivation pour que l’apprenant puisse " entrer en apprentissage " ; le rôle des informations de départ, des ressources disponibles, de leur caractère contextualisé, du sens que ces éléments d’entrée peuvent revêtir pour celui qui apprend, qui va apprendre.

 

2.2.1 Quelles sont les caractéristiques d’une " bonne " tâche de départ ?

 

Paris et Turner en 1994 ont énoncé quatre caractéristiques d’une tâche motivante qu’ils résument sous le signe 4C : Choice, Challenge, Control, Collaboration.

 

Nous voyons donc bien ici pourquoi nous avons établi une relation de proximité entre les éléments d’entrée (informations, ressources, tâches) et les paramètres de motivation dans notre pentagone de l’apprentissage.

Il faut également remarquer que la méthode de l’apprentissage coopératif est plus ou moins appropriée suivant le contenu que l’on désire transmettre. Selon certains auteurs, cette méthode est plus efficace pour des tâches complexes qui demandent de la créativité et une pensée divergente ainsi que pour la résolution de problèmes.

En ce qui concerne la nature de l’activité, une tâche plus proche de l’expérience personnelle ou de la vie professionnelle future des élèves a plus de chances de conduire à un véritable engagement de leur part (Bourgeois et Nizet, 1997). Cet élément peut également être mis en lien direct avec les théories de la motivation. En effet, Viau montre qu’une activité, pour être motivante, doit être le plus possible à l’image des activités de travail de la vie courante. En reprenant certaines caractéristiques de la tâche déjà énoncées, Viau poursuit en citant d’autres caractéristiques d’une activité d’apprentissage motivante ; une telle activité doit :

Ces divers critères ont de nombreux recouvrements avec ceux de la pédagogie active en général, avec ceux de l’apprentissage par résolution de problèmes en particulier. Rappellons encore une fois que, dans les méthodes pédagogique, les formes " pures " se trouvent rarement et que par ailleurs la richesse pour l’apprentissage se trouve dans la diversité des méthodes proposées, dans une même leçon, dans un même cours, dans un même programme.

C’est ainsi que des problèmes (comme ceux rencontrés dans l'ARP) peuvent être proposés comme matériau de départ dans un apprentissage coopératif et que des moments coopératifs sont inscrits dans les blocs basés sur l’ARP.

 

2.2.2 Quelles sont les caractéristiques du groupe ?

 

La taille idéale du groupe se situe entre 5 et 10 personnes (ces nombres sont indicatifs : ils peuvent varier vers le haut ou le bas en fonction de la tâche prescrite au groupe, du dispositif mis en place, du niveau des apprenants, du temps alloué à l'activité …). En effet, le but de l’apprentissage coopératif consiste à faire discuter les participants sur leurs représentations et leurs avis et de confronter leurs idées. S’il y a trop peu de participants, on n’est pas sûr d’obtenir des points de vue assez variés ou divergents et il n’y a pas suffisamment de matière à discussion. D’un autre côté, dans un groupe trop nombreux, il est difficile de permettre une participation équitable de tous et de gérer la masse des opinions.

Le groupe idéal permet à chaque participant d’exposer ses idées, de les argumenter et de les confronter à celles d’autrui. Pour cette raison, de nombreux auteurs insistent sur l’importance de groupes hétérogènes qui permettent de générer des idées plus diverses que des groupes homogènes. Cette hétérogénéité peut se manifester sur différents plans :

 

Dans certains cas, en fonction des thèmes traités, des contextes de ces travaux de groupe, on devine aisément que l’hétérogénéité peut aussi conduire à un blocage du travail cognitif (surcharge cognitive). Même si c’est difficile à réaliser en pratique, on peut aussi concevoir qu’en fonction du moment considéré dans le travail coopératif (En est-on aux premières idées lancées ou plus loin dans le travail au moment de la synthèse des opinions ?), l’homogénéité soit préférable à l’hétérogénéité.

En tout cas, il importe à l’enseignant d’organiser au mieux la confrontation des idées car c’est de celle-ci que naîtra le changement conceptuel et se développera l’apprentissage ; c’est l’hypothèse sous-jacente de ce qu’on appelle le conflit socio-cognitif.

C’est ainsi que dans les principes de l’apprentissage coopératif, l’enseignant intervient peu sur les contenus mais pilote véritablement le(s) groupe(s) en :

En un mot, c’est une coopération " argumentative " qui est recherchée ici.

Dans le cas contraire, chacun donnera son avis, la discussion restera en surface, les schèmes de pensée n’évolueront pas ; la coopération sera alors purement " dialogale "

C'est sur le pôle lié à l'interaction et à la confrontation (pôle de notre pentagone de l'apprentissage sur lequel nous avons placé plus tôt l'AC) que les outils technologiques peuvent contribuer le plus. De nombreuses expériences actuelles utilisent les outils technologiques (courrier électronique, forum de discussions) pour faire dialoguer les étudiants de part et d'autre des frontières, de part et d'autre des océans.

Ces outils suffiront-ils à transformer les informations en connaissances ? Nous ne le pensons pas mais, comme nous l'avons vu, les conclusions des expériences d'apprentissage coopératif peuvent apporter beaucoup à l'édification de véritable site virtuel pour l'apprentissage. Mentionnons l'importance des personnes physiques (enseignant, tuteur, modérateur) pour la bonne réalisation des objectifs de ces apprentissages soutenus par les technologies : cette importance était soulignée déjà dans les quelques lignes précédentes.

 

2.2.3 Du conflit pour apprendre ?

 

Selon Mugny et Carugati, les rencontres inter-individuelles sont cognitivement structurantes et conduisent au progrès à condition qu’elles permettent une opposition sociale de réponses ou de points de vue à propos d’une tâche commune. Ils donnent trois arguments qui peuvent expliquer ce progrès :

Le conflit est donc double :

 

2.2.4 Quelques conséquences de l’AC

 

Plusieurs auteurs citent de nombreux effets positifs suscités par l’apprentissage coopératif.

Parmi les effets cognitifs, les plus importants sont les suivants :

Outre ces effets cognitifs, les auteurs notent également des bénéfices au point de vue affectif et social :

Nous retrouvons ici un des points importants d’un précédent chapitre : le développement des savoir-être et les savoir-devenir (attitudes, comportements, mise en projet …) ne constituent pas seulement un décor de bon aloi des méthodes pédagogiques traditionnelles, quelque chose qu’il faudrait " ajouter au programme " parce qu’il le faut bien dans une société où on nous parle de citoyenneté, d’apprendre à apprendre et de toutes ces choses qui touchent au relationnel et à l’affectif. Nous défendons l'idée que ces ingrédients justement intégrés dans les dispositifs constituent à la longue et dans la patience des facilitateurs d’apprentissage ; ils facilitent l’acquisition des connaissances et des compétences en les rendant plus pertinentes, plus transférables, plus vivantes.

 

2.2.5 Une place pour les outils technologiques dans l’AC

 

Dans le cadre de la communication asynchrone (non simultanée) de nombreuses déclinaisons du déjà bien connu "courrier électronique" ont vu le jour. Nous en citerons deux :

 

Les listes de discussion ou encore News, Forums , Agora et Valves

Les listes de discussions sont dédiées à un thème donné : par exemple, une liste de discussion sur les systèmes informatiques en langue française, en Belgique (fr.comp.sys.be). On peut les associer à diverses métaphores allant des valves des couloirs de nos écoles au courrier des lecteurs en passant par la "foire aux questions".

 

On s'y connecte par un logiciel spécialisé ou par votre butineur favori que ce soit Netscape ou Internet Explorer (il est nécessaire de passer par un serveur de type particulier, un serveur de liste qui maintient le catalogue de toutes les listes disponibles( ou d'une sélection)).

Ces listes de discussion sont hiérarchisées par thème, par sous-thème, etc (écran de gauche). Ainsi la liste citée ci-dessus appartient à la catégorie fr.comp.sys qui appartient à la catégorie fr.comp (dédicacée au computer) qui appartient à la catégorie fr (les listes francophones).

En ouvrant une de ces listes (écran de droite), on aperçoit les intitulés de l'ensemble des questions (ou en tout cas les plus récentes) qui ont été envoyées à la liste, ainsi que les intitulés des réponses qui leur sont associées. Pour prendre connaissance de la question ou des réponses associées, il suffit ce cliquer sur son intitulé pour voir le contenu s'afficher dans la fenêtre du dessous.

Pour envoyer une question à la liste, il suffit de cliquer le bouton to news; pour répondre à une question, il suffit de l'ouvrir (l'écran du dessous) et de cliquer sur to mail.

On comprend l'intérêt pour un professeur de créer une telle liste et de l'associer à l'un de ces cours. Elle constituera un véritable "courrier des lecteurs", permettra aux étudiants de poser à l'ensemble de la communauté (professeur(s) et étudiants) les questions qu'ils n'oseraient pas poser dans l'auditoire, permettra aux professeurs de "prendre la température" de son cours (ce qui n'a pas été bien perçu par les étudiants, les points difficiles …); elle sera également le témoin de l'histoire du cours vue par la lorgnette des apprenants.

Les Listes de diffusion ou encore abonnement , …

 

Au niveau métaphorique, les listes de diffusion sont associées à l'abonnement à une revue spécialisée (elles sont également dédiées à différents thèmes et sous-thèmes).

Dans les listes de discussion, c'est l'utilisateur qui fait la démarche d'aller consulter les informations sur les valves virtuelles. Dans le système des listes de diffusion, l'internaute recoit directement dans son courrier électronique toutes les informations, questions et réponses qui sont envoyées à la liste, à condition d'y être abonné. Pour s'y abonner, il suffit généralement d'envoyer un message électronique à une adresse bien précise (la subscription address). Une fois abonné, tous les messages envoyés à la liste (message adressé à sa submission address) seront immédiatement renvoyés à tous les abonnés de la liste.

De nombreux sites proposent un catalogue de ces listes et offrent des facilités pour s'y abonner; l'écran ci-dessous en présente un (http://www.cru.fr/listes/) .

 

 

L'Internet propose également diverses possibilités de communication synchrone (en simultané) ou encore de Chat.

La communication entre deux internautes étant établies (par l'intermédiaire d'un serveur dédicacé), des échanges de messages (des questions, des réponses, une conversation à bâtons rompus) peuvent avoir lieu. Les participants à la discussion peuvent même s'exprimer ensemble sur un tableau (Whiteboard) en construisant et en complétant tour à tour un organigramme, un graphique de synthèse… Si les ordinateurs sont équipés d'une mini-caméra les images des interlocuteurs peuvent également se propager sur la toile de l'Internet.

 

 

Des systèmes, clé sur porte, de développement de cours complet (ci-dessous le logiciel auteur-gestionnaire Topclass) ont également vu le jour.

Un manager définit les différents cours et les professeurs responsables. Les professeurs préparent les différentes ressources (des textes (leurs transparents ou leurs syllabus)), des images, un clip vidéo, des références de sites intéressants) ainsi que les différents exercices et tests. Le professeur définit les différents étudiants habilités à suivre son cours et leurs adresses électroniques. A partir de là, le système lui offre la possibilité de lancer des messages sur les valves électroniques (class announcement), d'envoyer des questions ou de répondre à des questions de la liste de discussion (discussion list), d'envoyer un courrier plus personnalisé à l'un de ces élèves ou de recevoir le courrier qui lui est adressé.

Le système est également capable de proposer un suivi des élèves (où en sont-ils dans le cours, quels tests ont-ils déjà passés, etc). Ces systèmes préfigurent-ils l'enseignement de demain, le campus virtuel ?

 

Site du WBT (Web-Based Training)

http://www.wbtsystems.com/products/index.htm

 

Il serait intéressant à ce stade de passer en revue notre petite histoire du début et

d'épingler les traits significatifs empruntés à lAC

de compléter le scénario décrit avec d'autres éléments dérivés de l'AC.

d'imaginer une place possible pour les outils technologiques.

 

2.3 La pédagogie du projet ou par le projet

 

La plupart des considérations ci-dessous sont le fruit d’un travail coopératif mené dans le cadre du " séminaire de construction et d’évaluation d’un projet de formation ". Je remercie mon co-titulaire, Léopold Paquay, et mes étudiants, F. Docq et C. Maillart pour leur aide.

La pédagogie par le projet existe depuis bien longtemps : chez les compagnons, l’apprenti qui accompagnait le maître dans ses travaux devait manifester déjà les connaissances et les compétences acquises au travers d’un " chef-d’œuvre " qui lui permettait à son tour d’accéder à la maîtrise. Plus près de nous, elle trouve son origine au début du siècle dans l’éducation nouvelle (Freinet, Claparède) qui proposait une alternative à la pédagogie transmissive où l’élève est passif et écoute le maître.

En préalable à la présentation de cette méthode, nous allons dès le départ tenter de clarifier les deux modalités que le titre propose. Commençons par la définition usuelle du dictionnaire du mot "projet" :

Par cette définition, le projet se présente au moins sous deux angles : projection (de soi ou de ses actions) dans l’avenir, qui n’aboutit pas nécessairement à une production (la démarche est ici mise en valeur) ou objet, produit qui est un moyen pour atteindre autre chose (une maquette pour tester la faisabilité d’un système mécanique). On remarque le double sens du " projet " à la fois comme but et comme moyen.

Dans la pédagogie du projet, l’objectif est la mise en place d’une démarche permettant à l’étudiant de se mettre en projet, de se construire un projet. Sortir du processus avec un nouveau projet ou un projet plus consolidé est l’objectif de cette pédagogie : le projet (en tant que dynamique) est le but. L’enseignement vise à armer l’étudiant des outils méthodologiques pour qu’il soit capable, lui-même, de se mettre en projet, de se construire un projet (d’étude, de vie …). Pour Croizier (1993), le projet ne se limite pas au produit mais se centre sur le processus.

Dans la pédagogie par le projet, l’objectif est l’acquisition de savoirs, savoir-faire … et son objectivation est la réalisation de quelque chose (de nouvelles connaissances, un objet technique, une production personnelle). L’enseignement vise à donner à l'étudiant les connaissances, les compétences nécessaires à la réalisation de " son " projet.

Ces différences peuvent s’atténuer par les considérations suivantes :

Dans ce qui suit, nous parlerons essentiellement de la pédagogie par le projet pour les raisons suivantes :

Il est difficile parfois de distinguer la pédagogie par le projet et l’apprentissage par résolution de problèmes. Dans la première, le produit à atteindre est le plus souvent défini (construire un véhicule automobile qui puisse parcourir la plus grande distance possible avec 100 ml d’essence) ; l’activité à entreprendre est la construction de la démarche qui conduira au produit fini. Dans la seconde, ce sont les éléments d’entrée (les constituants du problème) qui sont définis ; le but est de dénouer la situation, de trouver la (ou les) solution(s) au problème.

Une autre différence consiste en l’empan temporel de ces deux activités : l’ARP se réalise (ou peut se réaliser) parfois sur des périodes plus courtes que la PP ceci dépendant bien sur de l’ampleur du problème ou du projet. Un "bloc" de l'ARP, constitué parfois de plusieurs problèmes, peut prendre une semaine ou deux; la construction d'un projet peut prendre plusieurs mois et couvrir tout un quadrimestre.

Finalement et de manière caricaturale, la démarche de résolution de problèmes vise, dans ses formes les plus strictes, l’acquisition de connaissances et de compétences nouvelles alors que la PP le plus souvent vise l’application de connaissances ou de compétences acquises par ailleurs.

Pour nous aussi, la pédagogie par le projet, par un héritage des propriétés de la pédagogie du projet, met (ou devrait mettre) davantage l’accent sur la réflexion quant à la démarche entreprise. C’est cet aspect métacognitif qui permet bien souvent de distinguer, s’il le faut, l’ARP et la PP.

 

2.3.1 Quelles sont les caractéristiques du projet ?

 

Le projet

 

Ces derniers points, nous l’avons déjà souligné, sont importants dans la PP. L’apprenant accédera à ces stades (savoir-être et savoir-devenir) si la tâche assignée par le professeur inclut une partie réflexive sur la démarche, si cette dernière fait partie intégrante du projet, si elle est aussi évaluée en tant que telle.

 

2.3.2 Quels sont les objectifs poursuivis dans la pédagogie par le projet ?

 

Dans son mémoire de licence, Ledent (1996) présente les finalités de la PP :

Les principales finalités sont donc pour nous :

 

2.3.3 Une démarche pour le projet ?

 

La construction d’un projet, que ce soit un projet qui vise à concrétiser davantage une intention personnelle, un projet de formation ou un projet d’architecture ou encore la démarche à entreprendre pour construire un objet technique répondant à certaines spécifications, procède de certaines étapes qu’il est important de définir. Certains ont rapproché cette démarche des procédures de résolution de problèmes ou encore de la démarche propre à la recherche.

Afin d’élaborer une démarche possible du " projet ", nous présentons ci-dessous trois modèles relatifs à l’action dans le projet :

Ces modèles présentent généralement les processus de manière linéaire ou séquentielle. C’est une simplification nécessaire pour la bonne compréhension mais cette façon de voir ne se rencontre dans les faits que très rarement (on a plutôt affaire à des processus cycliques ou systémiques). C’est ainsi qu’à minima la dernière étape citée dans ces démarches (souvent les résultats ou l’évaluation) n’est que le prélude à un nouveau cycle.

 

Comment élaborer un projet de formation : quelques étapes

 

Le tableau ci-dessous présente une démarche en quatre étapes d’un cheminement possible (une méthodologie) pour celui qui veut mettre en place une action visant à résoudre un problème qui se déroule dans une institution, améliorer une situation existante, etc. Cette action peut éventuellement se traduire par une action de formation à mettre en place. Pour assurer l’efficacité de l’action, il est précieux de se référer aux grandes étapes présentées ci-dessous :

- l’analyse (du contexte, des besoins, des problèmes);

- l’imagination (des solutions possibles, des stratégies à mettre en place);

- la mise en pratique (c’est-à-dire l’exécution du plan);

- l’évaluation (des résultats obtenus, de l’atteinte des objectifs, de la planification du suivi).

  • On percevra, dans chacune des étapes, la place et l'importance de l’évaluation même si cette dernière a été placée par nous en dernière place : cette évaluation " terminale " ne peut être rendue possible et ne peut porter ses fruits que si elle est préparée et consignée dès les premiers instants du projet : les problèmes sont-ils bien identifiés ? Les stratégies élaborées permettront-elles de résoudre le problème et à quelles conditions ? le plan est-il fidèle à la stratégie préconisée ?

    On remarque dès lors l’importance de se donner des critères de réussite dès l’analyse, l’importance des choix qui détermineront la suite des opérations dans la phase d’imagination, des consignes pour que le plan soit bien respecté, etc.

     

  •  

    A: ANALYSE

     

    PHASE DE CONCEPTION

     

    f Temps d’observation et de repérage : identifier les données, les éléments de la situation. (1)

     

    f Temps de problématisation : identifier les intérêts, les questions. Quel problème doit-on résoudre ? Quels besoins apparaissent ? Que veut-on savoir? A quoi veut-on aboutir ? (2)

     

    f Temps de critérisation : décrire à quelles conditions le résultat sera considéré comme atteint, avec des degrés éventuellement et en distinguant ses différentes dimensions s‘il y a lieu (efficacité, esthétique, etc.). (3)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    B: IMAGINATION

     

    PHASE DE STRUCTURATION

     

    a Inventorier les différentes méthodes qui pourraient permettre d’aboutir au résultat visé (Brainstorming).(1)

     

    a Recenser les moyens nécessaires à leur mise en oeuvre. (2)

     

    a Choisir l’une des stratégies possibles compte tenu des moyens disponibles, des conditions réelles, du temps utilisable, etc. (3)

     

     

     

     

    D: BILAN

     

    PHASE D'EVALUATION

     

    k Déterminer dans quelle mesure les objectifs ont été atteints et à quel degré. (1)

     

    k Vérifier si la procédure a été respectée. (2)

     

    k Evaluer les choix qui ont été faits : referait-on la même chose, et comment ? (3)

     

    k Repérer les résultats inattendus, les imprévus, les pistes nouvelles … (4)

     

    k Tirer la leçon de l’expérience, acquis, vécu, lacunes, etc. (5)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    C: PRATIQUE

     

    PHASE D'ACTION

     

    d Préparer les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la stratégie. (1)

     

    d Repérer et planifier les opérations à mener. (2)

     

    d Appliquer le projet programmé (3)

     

    La démarche de résolution de problèmes : quelques étapes

     S. Bugerere (1998), dans sa thèse de doctorat portant sur les connaissances stratégiques ou conditionnelles dans la résolution de problèmes, a analysé plusieurs auteurs qui décrivent cette démarche. Il a résumé leurs apports en quatre étapes essentielles :

    - L’étape de compréhension;

    - L’étape des hypothèses, d’élaboration des procédures et de planification;

    - L’étape d’exécution des procédures;

    - L’étape d’évaluation des résultats et de leur validité;

    Nous remarquons immédiatement la proximité de ces étapes de la démarche de résolution de problèmes et des étapes d’élaboration d’un projet d’action et de formation. De nouveau, remarquons bien les différences
  • - dans le premier cas, une situation problématique est fournie et on cherche à la comprendre, à l’élucider (métaphore du nœud à défaire)

    - dans le second cas, on se fixe un but (une situation nouvelle) et on recherche les solutions pour l’atteindre (métaphore de la cible à atteindre).

     

  • La démarche scientifique de recherche : quelques étapes

     De nombreux travaux ont montré le caractère discontinu des avancées de la science et que les " démarches scientifiques " étaient bien plus souvent une reconstruction mentale (nécessaire, par exemple, pour la publication scientifique) qu’un reflet de la réalité, de ce qui se passe effectivement dans les laboratoires. Le plus grave, nous semble-t-il, est que ces modèles, trop pris à la lettre, ont influencé une façon de concevoir l’enseignement des sciences qui laisse peu de place aux tâtonnements nécessaires pour que l’étudiant puisse se construire ses connaissances. Comme nous l’avons proposé dans un chapitre précédent, il faut voir les différentes étapes qui suivent comme des briques permettant différents assemblages plutôt que comme un assemblage définitif, immuable, incontournable.

    La démarche scientifique de recherche est souvent présentée par le schéma OHERIC (Observations, Hypothèses, Expérimentations, Résultats, Interprétation et Conclusions). Ces étapes sont facilement associables à celles que nous avons décrites ci-dessus.

     

     

     

    COMPREHENSION

     

    OBSERVATION

     

    ANALYSE

     

     

     

     

    ÉLABORATION DES HYPOTHESES

     

    HYPOTHESES

     

    IMAGINATION

     

    ÉLABORATION DES PROCEDURES

     

     

     

    PLANIFICATION

     

     

    PRATIQUE

     

    EXECUTION DES PROCEDURES

     

    EXPERIMENTATION

     

     

     

    RESULTATS

     

     

    EVALUATION

     

    INTERPRETATION

     

    BILAN

     

     

    CONCLUSION

    Cette façon de procéder met bien en lumière les accents des différentes approches et leurs complémentarités. La " démarche de  projet " serait-elle l’inclusion de toutes ces étapes ? Nous le pensons. Dans une approche didactique, toutes ces approches ne doivent pas être nécessairement présentes simultanément dans toutes les activités des élèves ; la variété des approches, des situations, des problèmes proposés et des démarches suggérées permettra de couvrir l’ensemble de ces propriétés.

    Dans le pentagone de l’apprentissage, nous avons placé la PP sur le pôle " analyse " (traduisant par là le caractère de haut niveau des compétences à exercer) et sur le pôle " production " (rappelons bien que nous n’entendons pas seulement l’objet physique que l’étudiant pourrait être amené à fabriquer mais aussi la production de connaissances et de compétences nouvelles, le développement de nouvelles attitudes par rapport au savoir, à soi-même et aux autres).

    C’est dans les phases d’analyse, d’élaboration et de contrôle des hypothèses, de vérification par rapport à d’autres modèles ou d’autres réalisations, bref dans ce qui concerne plus le processus que le produit de la PP, que nous illustrerons le rôle des outils technologiques.

     

    2.3.4 Une place pour les outils technologiques dans la PP

     

    Il est bien sûr évident de parler ici des possibilités extraordinaires des outils de la bureautique moderne : des tableurs qui permettent de contrôler les paramètres d'un modèle en sciences ou en sciences humaines, des outils de la PréAO (présentation assistée par ordinateur) comme Powerpoint (un outil permettant de créer des diapositives informatiques interactives ou plus simplement un diaporama) ou, dans une certaine mesure, HomePage (un outils permettant de créer des pages WWW interactives), ou encore plus simplement du traitement de textes.

    De nombreux outils sont cependant plus spécifiques et permettent de simuler les comportements de divers systèmes. Nous les avons abondamment décrits dans d'autres publications et nous en mentionnerons trois ici.

     

    La physique interactive

     

    Interactive physics offre la possibilité de définir différents objets (la masse circulaire dans la figure ci-dessous), de leur associer différentes contraintes (le ressort), de leur attribuer différents paramètres (la vitesse initiale verticale de la masse). Un jeu de mécano en quelque sorte mais qui ne portera ses fruits que si cette activité est associée à un projet qui lui donne sens, par exemple construire un oscillateur qui bat la seconde.

     

      

    Une nouvelle cité est née

     

    D'autres jeux permettent par exemple de construire une cité en prévoyant les voies de circulation, l'alimentation en eau potable et en électricité … Il faudra aussi prévoir des impôts pour entretenir la cité et aussi veiller à ne pas mécontenter les citoyens (le journal de la ville vous préviendra du mécontentement populaire). Sim City permet toutes ces choses et bien d'autres.

     

     

     

    Les Sherlock Holmes de la science sont de retour

    http://www.nhm.ac.uk/sc

     

    Au-delà de l'apport d'informations, des sites Web convient réellement l'utilisateur à une véritable enquête, à une véritable démarche scientifique dans laquelle il est amené à vérifier diverses hypothèses. Tel est le propos du site du Natural History Museum de Londres. Le crâne du félin retrouvé quelque part au Royaume-Uni est-il celui d'une bête préhistorique ou alors un trophée de chasse abandonné par un chasseur revenu d'Afrique ? Quelle est l'histoire de cette météorite dont la forme est si curieuse ? Recréer un dinosaure à partir de l'ADN retrouvé dans un moustique, est-ce possible ?

     

    Il serait intéressant à ce stade de passer en revue notre petite histoire du début et

    d'épingler les traits significatifs empruntés à la PP

    de compléter le scénario décrit avec d'autres éléments dérivés de la PP.

    d'imaginer une place possible pour les outils technologiques.

     

    3. Conclusions et synthèse

     

    Un schéma pour construire et analyser des dispositifs

    et pour intégrer les NTIC

    A titre de conclusion, nous reprenons, sur un graphique qui les enchaîne, les cinq clés qui nous sont apparues intéressantes comme adjuvant du mécanisme d'apprentissage : informer, motiver, analyser, interagir et produire.

    Nous y avons placé également les trois méthodes pédagogiques que nous avons décrites dans les pages qui précèdent et qui couvrent relativement bien les différentes facettes de l'apprentissage. Les guillemets qui encadrent les trois constituants centraux témoignent de leur largeur conceptuelle :

     

    • - Informations, oui mais aussi matériaux mis à la disposition des apprenants, ressources de l'environnement (enseignants et étudiants) …
    • - Analyse, oui mais aussi et surtout développement de compétences de haut niveau élargies aux attitudes, au relationnel
    • - Productions de différentes natures : intellectuelles, matérielles …

     

    La figure peut être utilisée comme check-list de la méthode que vous utiliserez dans vos cours. LA bonne méthode n'existe pas … on peut tenter de l'approcher en fonction du contexte, du public visé, des objectifs que l'on veut atteindre, des contenus que l'on veut faire passer, des attitudes que l'on souhaite que les étudiants développent. Par rapport à ces différentes facettes de l'apprentissage, dans le cadre de ces méthodes idéalisées ici, les outils technologiques ont un rôle à jouer en amplifiant le caractère pédagogique ou didactique de l'environnement et en facilitant son appréhension. Les ordinateurs, en effet, amplifient l'apprentissage par les facilités qu'ils mettent à la disposition des enseignants et des étudiants (une information plus large, plus actuelle, des contacts diversifiés, des outils de construction conceptuelle) … aux enseignants et aux étudiants de les utiliser à bon escient.

     

    La métaphore de l'amplificateur est à souligner : un amplificateur ne peut amplifier un signal que s'il est présent à l'entrée du système sinon il ne donnera, en sortie, que du bruit. Ainsi les technologies nouvelles n'amplifieront les caractéristiques collaboratives de l'apprentissage que si la tâche proposée porte en elle les traits caractéristiques de l'apprentissage collaboratif ou si elle nécessite une telle collaboration.

     

    Et n'oublions pas :

      

    " Le multimédia a démontré son efficacité pédagogique dans le cadre de nombreuses expériences pilotes. Son intégration dans les pratiques ne pourra cependant se réaliser sans que les approches pédagogiques innovantes trouvent une meilleure écoute institutionnelle et sociale. C'est ainsi qu'il trouvera sa place dans le cadre général de la mutation des systèmes éducatifs. "

     

    Rapport de la task force "Logiciels éducatifs et Multimédia", CE, juillet 96 (constat 5, pg 28)

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    A titre de synthèse …

    Les nouvelles technologies de l'information et de la communication (les NTIC) vont-elles engendrer une pédagogie nouvelle ? Question souvent posée et peut-être mal posée.

    La "pédagogie", dans ses principes en tout cas, n'est pas si poussiéreuse. On connaît relativement bien les facteurs d'un apprentissage de qualité et les dispositifs censés les animer. D'une part, des ingrédients comme la richesse des ressources, leur caractère vécu ou authentique, la possibilité de visualiser, de toucher, de manipuler les éléments et les concepts, d'interagir véritablement avec les autres apprenants et les enseignants, la production ou la construction de quelque chose de personnel (connaissances, objets…) ; d'autre part, des méthodes pédagogiques qui n'ont rien de nouveau (déjà Socrate ou Célestin Freinet…) et qui n'ont pas nécessairement besoin d'outils révolutionnaires pour être mises en place : études de cas, démarche d'analyse et résolution de "vrais" problèmes, développement de projets personnels, travaux coopératifs…

    Tout cela n'est certes pas nouveau, existe de façon embryonnaire dans certaines classes ou salles de séminaires… alors on s'autorise à rêver que pour quelques clics de plus une déferlante pédagogique va animer les classes assoupies et les auditoires silencieux.

    Il est vrai que les nouveaux outils possèdent un potentiel fantastique pour l'information et la communication : nul besoin de citer les ingrédients plus nombreux, plus riches et plus complexes que les NTIC nous apportent sur le disque du cédérom ou par les fibres des réseaux. Mais que faire pour que la sauce prenne ? Que faire pour que ce bond quantitatif se mue en apport qualitatif pour l'apprentissage ? Que faire pour que l'information se transforme en connaissance, la communication en interaction véritable entre les êtres ? Que faire encore pour que le potentiel s'actualise dans les pratiques ?

    Il semble que les outils sont là à notre porte, que les réponses à nos besoins pédagogiques sont présentes mais que, faute d'avoir posé les vrais problèmes, les bonnes questions, ils demeurent peu effectifs et ne participent pas de facto à cette révolution pédagogique tant attendue.

    Si nous examinons les usages actuels de ces nouvelles technologies, il faut bien reconnaître que, dans la plupart des cas, elles ne font que singer les formes les plus traditionnelles, les plus magistrales de l'enseignement : des cédéroms qui livrent un savoir tout fait, qui intéressent en grande majorité ceux qui savent déjà, bref peu propices à la construction et à la disputatio des savoirs ; des sites internet qui tronçonnent la matière, qui affichent des syllabi à peine modernisés par l'électronique. Bien sûr des avantages émergent : disponibilité de reproductions ou d'images de qualité, possibilité d'hyperliens et de "saute-bouton" du texte au lexique, possibilité de pouvoir enfin poser une question au professeur par le courrier électronique et d'échanger sur la matière au travers des listes de discussion… on peut enfin poser des questions et discuter du cours ! Si ces quelques apports relèvent du miracle, reconnaissons dès lors que notre pédagogie était tombée bien bas.

    Ces usages nous retournent généralement l'image d'un enseignement dont le rôle principal reste celui de déverser les savoirs afin de rendre les têtes bien pleines. Pourtant les recherches autour des technologies de l'éducation ont largement montré que les apports les plus significatifs n'étaient pas à rechercher dans l'accroissement des connaissances ou dans une meilleure compréhension des concepts. Tout d'abord, lorsque des effets sur ce plan se manifestaient, ils semblaient dus davantage aux méthodes pédagogiques mises en place par l'enseignant "autour de l'outil" qu'à l'outil lui-même ; ensuite les effets qualitatifs les plus significatifs se rencontraient en dehors de la "sphère des savoirs" là où se développent les compétences, les attitudes et les comportements (les étudiants manipulent davantage les connaissances, ils interagissent davantage entre eux et avec l'enseignant, ils développent une nouvelle relation aux savoirs, etc).

    Il nous semble donc important de souligner (encore une fois) que les outils n'apporteront les bénéfices escomptés que dans des environnements pédagogiques innovants qu'il importe à l'enseignant de mettre en place… ces environnements innovants (par rapport à nos pratiques actuelles) mais pas nouveaux, plus centrés sur la personne qui apprend, plus conformes à ce que nous savons de l'apprentissage, ces dispositifs dont nous rêvons depuis si longtemps trouveront alors des appuis et des développements précieux grâce aux potentiels des outils technologiques.

    Les méthodes pédagogiques que nous proposons peuvent déjà être largement mises en place sans supports technologiques… Pourquoi sont-elles si peu présentes ? Elles demandent des efforts considérables aux enseignants non pas tant au niveau d'une surcharge de travail qu'au niveau de la reconstruction des rôles nouveaux qu'ils ont à y tenir. Se passer de la sécurité des savoirs clés sur porte, de cette prétendue autorité de celui qui sait, de celui qui va évaluer pour ainsi accéder à des formes d'enseignement où le savoir se construit sur un chemin jonché de réussites et aussi d'erreurs dont le rôle reste à reconnaître, où l'enseignant devient partenaire et coévaluateur, voila le challenge. La formation disciplinaire et méthodologique des futurs maîtres reste à repenser avant de mettre en place les emplâtres technologiques : comment pourraient-ils développer ces formes pédagogiques nouvelles alors que les enseignements qu'ils ont suivis restent bien souvent encore profondément marqués par d'anciennes pratiques qu'on ose à peine qualifier de pédagogiques.

    Tout ceci n'est pas nouveau, mais avant de penser l'outil on devrait penser objectifs (quel citoyen pour demain ?) et méthodes… avant le comment réfléchissons ensemble au pour quoi ?

    Les technologies ont de tout temps fasciné les hommes, les actuelles sont encore plus attrayantes et porteuses d'espoir. Utilisées sans imagination, le risque est grand aussi qu'elles fossilisent nos pratiques pédagogiques. Sans y prendre garde, c'est à un véritable désert pédagogique que le mirage technologique risque de nous conduire…



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