Les animations sont-elles vraiment plus efficaces? M. Betrancourt, J. Bauer-Morrison & B. Tversky Les graphiques Les graphiques sont très utilisés par les concepteurs de documents didactiques qui voient en eux la possibilité d'améliorer d'une part la compréhension et d'autre part l'apprentissage. On peut leur trouver 4 atouts principaux: 1) Leur attractivité par leur qualité esthétique qui va attirer l'attention de l'utilisateur et maintenir sa motivation 2) Leur facteur de représentation, qui leur permette de représenter en un schéma des objets qui demanderaient de longues description. 3) Leur facteur d'organisation de l'information qui ont pour but de faciliter la compréhension ainsi que la mémorisation 4) Leur incitation à l'inférence et à la découverte, dans la mesure où ils permettent de représenter des structure ou des processus. (Dans ce sens, les graphiques les plus épurés sont plus efficaces que les graphiques réalistes) En utilisant l'espace, les graphiques permettent de représenter des concepts spatiaux (carte géographique par exemple) et abstraits (la durée dans le temps par exemple). Plusieurs cultures différentes ont fait preuve de l'invention de même graphiques pour transmettre les même contenus. De plus, l'utilisation de relations spatiales pour exprimer des relations temporelles ou quantitatives apparaissent chez les enfants dès 5 ans dans différentes cultures. Ceci suggère qu'il existe une correspondance entre les espaces réels et les espaces mentaux. On va parler de correspondance cognitive naturelle. Cependant, même si les graphiques utilisés sont souvent très attrayants, on peut dans certains cas se poser la question de leur utilité. En effet, les recherches semblent montrer que tous les graphiques ne sont pas pertinents dans toutes les situations. Les recherches comparant les instructions avec graphiques aux instructions avec texte seul rapportent des résultats mitigés. Ceci est particulièrement le cas pour les graphiques tri-dimensionnels, qui n'augmentent pas forcément la mémorisation par rapport à des graphiques bi-dimensionnels. Dans certains cas même les graphiques 2D se montrent plus efficaces que les graphiques 3D. L'animation L'animation est un dispositif graphique des plus attrayants. Elle devrait être le moyen le plus naturel pour transmettre le concept de changement dans le temps (phénomènes météoroligues, dispositifs mécaniques,…). Pourquoi utilise-t-on des animations? On peut trouver 4 types d'usage de l'animation: 1) Attirer l'attention. Sur les site Web, de telles animations permettent par exemple de mettre en valeur des offres promotionnelles ou des nouvelles importantes, l'œil étant automatiquement attiré par le mouvement. Il convient cependant de ne pas en abuser: une animation que l'on ne peut arrêter peut perturber l'attention sur le reste de l'écran. 2) Donner de l'information sur le déroulement d'un processus au niveau du système (par exemple, la montre qui indique que l'action demandée est en train d'être effectuée et qu'il faut patienter). 3) Fonction de démonstration. Dans ce cas, l'utilisation de l'animation est proche de la vidéo, que l'animation soit réelle ou en images de synthèse. Pour naviguer à l'intérieur de l'animation, l'utilisateur retrouve en général les fonctions classiques d'un magnétoscope. 4) Fonction de simulation, dans le sens que des changements peuvent être intégrés dans l'animation en fonction des entrées de l'utilisateur. Certaines recherches ont tenter de montrer que l'animation est plus efficace que des graphiques statiques. Il convient cependant de rester prudent. Si certaines recherches vont dans le sens d'une plus grande efficacité de l'animation par rapport à un graphique statique, c'est parce que les animations utilisées dans la plupart des études présentent des détails, (micro-étapes) souvent essentiels, qui ne figurent pas dans les graphiques statiques. Dans d'autres études, ce sont les procédures qui ne sont parfois pas équivalentes. On compare ainsi 2 conditions qui ne sont pas comparables. Ainsi, dans la plupart des cas, lorsque l'animation se montre plus efficace qu'un graphique (ou qu'une suite de graphiques) statique(s), c'est parce qu'elle transmet de l'information supplémentaire. On ne peut donc pas conclure que la mise en mouvement de cette information est plu efficace. Il convient cependant de ne pas confondre l'animation en tant que telle avec l'interactivité. L'interactivité, qui permet à l'utilisateur de contrôler l'animation (totalement ou partiellement), augmente effectivement souvent les performances, car elle permet à l'utilisateur d'évaluer le résultat de son action. Comment donc expliquer le fait que l'animation ne semble par forcément bénéfique, même lorsqu'il s'agit de représenter un changement dans le temps, concept qui semble pourtant parfaitement correspondre aux animations? "Les défaillances de l'animation de sont peut-être pas liés à une problème de correspondance cognitive entre le matériel conceptuel et la situation visuelle, mais plutôt aux limitations perceptives et cognitives dans le traitement d'une situation visuelle changeante". En d'autres termes, si l'animation s'est avérée souvent d'efficacité identique, voir même moins efficaces dans certains cas, qu'une instruction graphique statique, c'est à cause de sa difficulté à être perçue, et parce qu'elle ne correspond pas à la conception spontanée du mouvement, qui est plutôt en termes d'étapes discrètes que continue. De plus, les graphiques statiques ont un autres avantages: ils permettent la comparaison entre des états antérieurs, alors que les animations sont fugaces et ne peuvent être réinspectées. Elles doivent être étudiées en mouvement. Or il es difficile de percevoir tous les changements élémentaires simultanément. En conclusion, il conviendrait de n'utiliser les animations que lorsqu'elles sont pertinentes, c'est à dire pour communiquer une notion de changement dans le temps. Il conviendrait également dans ce cas de respecter 2 principes: 1) "Principe d'appréhension: une animation doit être facile à percevoir et à comprendre. Mieux vaut un graphisme épuré, où seuls les éléments pertinents pour la compréhension du phénomène sont représentés" 2) "Principe d'expression: l'animation doit rendre apparent le modèle conceptuel sous-jacent au phénomène. Ainsi, si l'expert du domaine représente ce modèle sous forme d'étapes discrètes, il faudra plutôt choisir une série de graphiques statiques. Si les micro-étapes entre les étapes du processus sont ambiguës ou difficiles à reproduire, alors l'animation devrai être plus pertinente." Le concepteur peut toujours proposer les 2 types de visualisation, chacun supportant des processus cognitifs différents: en particulier réinspection et comparaison pour le graphique statique, traitement analytique des micro-étapes et transitions pour l'animation. Dernières modifications:  Copyright ©FrédéricMudry