Workshop du professeur Munari : 02-03 février 2000

Interaction individu-entreprise : La gestion des conflits

Dans la littérature existante, la problématique de la gestion des conflits est centrée sur la théorie des jeux. Le professeur Munari choisit cependant de la centrer sur la problématique de la thérapie familiale.

Invité : Dr Salem, psychiatre, qui travaille au Centre de Thérapie Familiale à Lausanne.

Le texte qui suit est le reflet de l'exposé du Dr Salem.

La gestion de conflit :

Dans le dictionnaire : Gérer = Administrer, conduire, diriger un commerce ou une affaire. Le verbe "gérer" n'est donc pas adéquat quand on parle d'un conflit. On optera pour le verbe "réguler", et on parlera d'une "régulation des conflits". C'est ce terme qui est utilisé en théorie systémique.

Dans le dictionnaire : Conflit = Lutte, rivalité, combat, rencontre d'éléments, de sentiments contraires, qui s'opposent.

On trouve souvent dans les rapports humains des situations d'antagonisme, de non coopération. Hors la coopération est essentielle pour la survie de l'espèce humaine.

Ethologie = L'étude des comportements des animaux y compris leurs conflits territoriaux, de pouvoir.

Les dimensions du conflit :

On distingue quatre dimensions principales :

  • 1. La dimension factuelle : dans le cas d'une situation donnée, indépendante de la volonté des protagonistes. On parle aussi de déterminisme contextuel. Cette dimension intéresse les historiens et les sociologues pour expliquer des faits.
  • 2. La dimension psychodynamique : On se trouve là dans le domaine de la psychologie de chaque individu, de ses enjeux internes (ex : antagonisme entre morale et désir). La théorie freudienne, entre autres, a développé cette dimension.
  • 3. La dimension stratégique ou systémique : Il s'agit là des enjeux de pouvoir interpersonnels : oppositions de pouvoir, leadership. Cette dimension intéresse particulièrement le Dr Salem, qui applique la théorie systémique dans son travail de thérapie familiale.
  • 4. La dimension éthique : C'est la plus importante. Elle examine le conflit dans une dimension qui fait intervenir une perspective de justice, d'équité, de droit, de devoir mutuel.

Un conflit se régule en général :

  • a) par les partenaires eux-mêmes.
  • b) par un ou des tiers extérieurs. C'est là que le psychiatre intervient. Il va tenter de donner aux protagonistes les moyens de réguler eux-même le conflit.

Aspects théoriques : Reprenons les dimensions 3. et 4. du conflit

La dimension stratégique ou systémique : Exemples

Réajustement éthique : réparer une injustice, la rebéllion.

Conflits ritualisés : Les sports de lutte.

Conflits pathologiques à l'intérieur d'un groupe familial : besoin irrépressible d'être en conflit pour être en relation. Ceux-ci peuvent se révéler être pathogènes s'ils nuisent à la longue aux enfants ou à l'un ou l'autre des partenaires.

Conflits fermés / ouverts : nier le conflit / le montrer.

Pseudos-conflits : dans ce cas le conflit sert à attirer l'attention sur un autre problème.

L'étude des comportements familiaux met en scène deux modes d'interaction :

  • 1. Le mode d'interaction complémentaire : Les deux partenaires a et b sont dans des positions antagonistes. La complémentarité peut-être souple. Dans ce cas, a peut être "one down" et devenir "one up" (ces deux expressions servent à décrire des positions de pouvoir, down = en bas, up = en haut). La complémentarité peut aussi être rigide. Dans ce cas, a, par exemple, reste toujours "one up et b reste toujours "one down".
  • 2. Le mode d'interaction symétrique : Les deux protagonistes luttent tous les deux pour être plus égaux par rapport à l'autre : "c'est moi qui ai le plus raison", vers la position "one up", "c'est moi le plus nul", vers la position "one down". Cette situation peut dégénérer en escalade symétrique et risque de générer une violence extrême.

Leadership : Quand une personne tient le pouvoir dans une famille. Parfois des enfants sont placés dans cette position. Par exemple : les anorexiques tiennent un rôle de leader dans une famille.

 

La notion de "triangle émotionnel instable" :

A et B ont une bonne relation. C est exclu et va tout faire pour prendre la place de A ou de B. B ou A vont de leur côté tout faire pour empêcher C de prendre leur place.

A et B ont une mauvaise relation. C est donc dans une bonne situation. A et B vont essayer de prendre la place de C, qui est dans une position plus confortable qu'eux.

La famille est un groupe naturel à interaction forte (lien du sang, hisoire de la famille), le lien familial est caractérisé par : l'alliance et par la filiation. Des lois régissent la famille : interdiction de l'inceste (pour la survie biologique, assurer la diversité), autorité parentale. Dans toutes les espèces animales de mammifères, l'interdiction de l'inceste est respectée.

L'analyse systémique d'une famille ne peut pas être comparée à l'analyse systémique d'une entreprise ou d'un autre groupe.

Données utilisées pour l'analyse d'une famille :

  • a) la filiation
  • b) l'alliance
  • c) l'autorité parentale
  • d) l'évolution de la famille

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conflits familiaux :

L'enfant a des conflits avec ses parents, c'est ce qui le fait évoluer. Sans conflit, il n'évoluera pas correctement. Il y a des familles a-conflictuelles, par exemple les familles fusionnelles, où l'on ne dit "jamais un mot plus haut que l'autre".

Parfois des symptômes d'anorexie mentale peuvent révéler une impossibilité d'extérioriser de l'agressivité.

La dimension éthique :

La morale est soumise à des varaiations culturelles, on observe un assouplissement selon les époques.

Une famille est beaucoup plus sensible que d'autres groupes à la notion de justice, d'éthique. Les grands enjeux familiaux se situent au niveau de l'éthique :

  • loyauté mutuelle
  • relations entre enfants dans les familles reconstituées

Notion de loyauté =redevance filiale, on peut éprouver un sentiment de culpabilité si celle-ci n'est pas honorée. Il faut accepter cette dette si l'on veut être libre.

Dans l'analyse d'une famille, on observe en général la position des éléments de la famille au niveau des redevances filiales.

Les thérapies familiales : plusieurs courants

1. Le courant psychanalythique : notion de contransfert, sert à détecter ce qui se passe dans la famille. 'inconscient familial est pris en compte. Ex : Skynner.

2. Le courant structural : Salvator Minachin a été à l'origine de ce courant. Il travaille sur la psychosomatique familiale, sur des symptômes tels que l'asthme ou l'anorexie.

3. Le courant intergénérationnel = courants expérientiels ou existentiels. Haly parle de "triade perverse" lors de coalition entre générations, exemple : la grand-mère, le père contre les enfants ou contre l'épouse.

4. Le courant stratégique : La famille = enceinte où se passent des enjeux de pouvoir. La thérapie de famille est vue comme un jeu d'échecs.

5. Le courant comportemental : (pas développé ici)

Le modèle structural : développement

La famille est vue comme une structure.

  On peut distinguer plusieurs sous-systèmes, par groupe (parents - enfants, femmes - hommes) ou par leadership (le fils, la mère, ...)

 

 

 

 

 

 

 

La famille psychotique :

Il y a une confusion des rôles et des générations. Les frontières sont très fermées, mais à l'intérieur, c'est très flou. Exemple : famille de schizophrènes.

 

La famille "chacun pour soi" :

Le père est absent, les enfants sont délinquants.

 

 

 

 

 

 

On trouve bien sûr beaucoup d'états intermédiaires.

 

Notion d'alliance :

Les parents font tout pour le bien des enfants.

 

Notion de coalition :

La mère et les enfants se liguent contre le père ou les parents se liguent contre les enfants. Exemple : le Petit Poucet.

 

 

 

 

 

 

 

 

Comment réguler un conflit ?

  Schéma pour le illustrer le modèle systémique

 

 

Il faut d'abord établir une relation avec la famille, sous le signe de l'alliance, le temps de rendre la famille moins pathogène. C'est à dire que le thérapeute doit faire preuve d'une partialité multidirectionnelle, il va montrer son respect pour chacun par le biais d'alliances successives et alternées. Le but du thérapeute doit ainsi se rendre crédible et gagner la confiance de la famille.

Puis on distingue plusieurs niveaux d'actions thérapeutiques . Ce schéma est caractéristique du modèle systémique.

 

L'alliance : C'est à ce moment que l'observation et l'utilisation consciente de la part du thérapeute des signaux corporels est utile. Il peut jouer de cet outil pour montrer ses intentions. La position du corps indique beaucoup de choses sur l'état d'esprit des protagonistes. La position des personnes dans l'espace indique aussi les intentions ou les peurs.

Exemple d'analyse de comportement : 2 personnes en conflit et un thérapeute

- Le thérapeute prend la même posture que la personne avec qui il ne parle pas, cela permet de gerder le contact.

- Il demande à chacun de parler de l'autre en présence de l'autre.

- Chacun remarque que l'autre peut le comprendre.

- On évite ainsi la construction d'une projection mentale, et chacun s'amadoue.

 

 

 

 

 

 

 

L'élucidation : la métacommunication est alors importante (c'est-à-dire communiquer sur la relation, une manière de prendre du recul).On essaie alors d'interpréter, d'expliquer, de reformuler pour renforcer la volonté de changement des protagonistes.

Les directives : demander à la famille de faire quelque chose. Les directives peuvent être ouvertes (ce que je dis = A , ce que je veux = A) ou fermées (ce que je dis = A , ce que je veux = B).

Le modeling : Utilise les mécanismes d'identification (au thérapeute ou au membre de la famille qui conserve la confiance). Les protagonistes peuvent alors se mettre à imiter le thérapeute.

L'évaluation : l'observation des signaux corporels peut aussi aider.