La théorie de la parité des taux d'intérêt non couverte

Une autre approche pour tester l'hypothèse d'efficience du marché des changes est de tester la parité des taux d'intérêt non couverte. Cette parité établit que la différence entre l'anticipation du taux de change et le taux de change au comptant est reliée à la différence entre le taux d'intérêt domestique et le taux d'intérêt étranger:

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est l'anticipation sur le taux de change au comptant futur, ou taux de change ex-ante, formé sur la base de l'information disponible au temps t.

Cette condition sera vérifiée si les investisseurs considèrent les obligations étrangères et nationales comme des substituts parfaits et s'il n'y a pas d'obstacle au mouvement international de capitaux.

Les transactions spéculatives qui permettent l'égalité de cette relation sont appelées arbitrage d'intérêt non couvert. En suivant à H. Bourguinat (1992, p. 308), les transactions d'un arbitrage non couvert sont identiques à celles d'un arbitrage couvert, sauf que l'investisseur ne vend pas à terme les (1/St)(1+i*) unités de monnaie étrangère. Il garde sa position de change ouverte parce qu'il suppose que le futur taux au comptant de la devise se traduira par une appréciation de son cours (dépréciation de la monnaie nationale). Dans la littérature empirique sur la parité des taux d'intérêt non couverte, on a utilisé la formule approximative exprimée en logarithmes:

(3)

D'une part, étant donné que les anticipations ne sont pas observables, les chercheurs ont supposé des anticipations rationnelles et la neutralité au risque et ils ont formulé le modèle empirique suivant:

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où l'hypothèse jointe d'anticipations rationnelles et de neutralité au risque implique que , et est une erreur orthogonale à l'ensemble d'information passée. Tester la parité des taux d'intérêt non couverte consiste, donc, à tester que le différentiel des taux d'intérêt est un prédicteur optimal du taux de dépréciation.

L'investigation empirique sur la pertinence de cette relation n'a pas été aussi satisfaisante que celle de la parité des taux d'intérêt couverte; des déviations importantes à cette relation ont été observées.

Ainsi Cumby et Obstfeld (1981) en utilisant des données hebdomadaires pour six taux de change (pour la période juillet 1974-juin 1980), calculent les déviations de la parité des taux d'intérêt non couverte (les déviations sont définies comme .) et analysent la propriété d'indépendance sérielle de ces déviations. Les tests rejettent l'hypothèse d'indépendance, mais ils suggèrent que le comportement des déviations est compatible avec l'existence d'une prime de risque variable.

D'autre part, autres études sur la parité des taux d'intérêt non couverte supposent la parité des taux d'intérêt couverte, laquelle en sa version approximative et en logarithmes est:

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En égalisant les relations (5) et (3) on obtient la relation:

(6)

Sous l'hypothèse d'anticipations rationnelles ces études testent l'hypothèse que la prime à terme est un prédicteur optimal du taux de dépréciation futur. Les résultats des tests, en général, rejettent cette hypothèse et par conséquent la parité des taux d'intérêt non couverte n'est pas vérifiée (ce type de test constitue aussi un test d'efficience du marché des changes à terme.).

En outre, Taylor (1987b) considère que les tests précédents sur la parité des taux d'intérêt non couverte ont été formulés sur la base d'évidence empirique indirecte en raison du manque d'anticipations observées du taux de change au comptant futur. Il propose un test direct basé sur une formulation testable où les anticipations optimales de sont estimées par la méthode VAR. Pour la période juillet 1979-décembre 1986, il utilise des données mensuelles des taux de change par livre sterling, au comptant, (pour le dollar américain, le yen japonais, le franc français, la lire italienne et le florin hollandais), et des taux d'intérêt sur les euro-dépots pour maturités de 6 et 12 mois. Les résultats sont en accord avec les résultats de l'évidence indirecte: l'hypothèse de la parité des taux d'intérêt non couverte a été rejetée.

Cependant, étant donnée que c'est une hypothèse jointe, on ne peut pas conclure à l'inefficience du marché car ces déviations pourraient être expliquées par l'existence d'une prime de risque.

Ainsi, si , les relations de parité des taux d'intérêt couverte et non couverte sont égales. Cependant les anticipations ne sont pas réalisées avec certitude et les agents économiques doivent incorporer une prime de risque (qui peut varier dans le temps) dans le prix d'un contrat à terme, tel que:

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Dans ce cas le taux de change à terme est un prédicteur biaisé du futur taux de change au comptant.

Mac Donald et Torrance (1989) utilisent des données d'enquêtes du "Money Market Services Ltd" de Londres pour mesurer directement les anticipations des taux de change futurs. Il s'agit des données, prises tous les quinze jours, des anticipations des taux de change, quatre semaines dans le futur. Les taux de change anticipés correspondent au mark allemand, le yen, la livre sterling et le franc suisse. Tous par rapport au dollar américain. La période d'analyse correspond à la période 12 juillet 1982-13 avril 1987. La disponibilité d'information indépendante sur les anticipations leur a permis de déterminer si les déviations de la parité des taux d'intérêt non couverte sont dues à l'aversion au risque ou à l'irrationalité des agents économiques ou tous les deux. Leur conclusion est que l'évidence est mixte.