L'EVALUATION DE LA QUALITE DANS LES ETABLISSEMENTS SOCIAUX ET MEDICO-SOCIAUX


Table of Contents

ChapI - LES PRINCIPAUX ENJEUX DE L’ÉVALUATION
1.1 L’enjeu idéologique
1.2 L’enjeu technique
1.3 Un enjeu économique
1.4 Un enjeu en terme d’image
1.5 Un enjeu managérial
1.6 Un enjeu culturel
1.7 Un enjeu de fidélité
ChapII - LES PRINCIPAUX AUTEURS EN SUISSE

Abstract

Ce mini article a pour but de présenter les principaux enjeux de l'évaluation de la qualité et de faire une brève revue bibliographique des principaux auteurs Suisse ayant écrit des articles à ce sujet, sans prétention d'exhaustivité.

ChapI - LES PRINCIPAUX ENJEUX DE L’ÉVALUATION

Cette partie est issue de la revue "Les Cahiers de l’Actif - N°330/331".

1.1 L’enjeu idéologique

La question de l’évaluation ne peut être neutre idéologiquement. Elle est au contraire chargée d’idéologie et lourde de sens. Elle met en jeu des valeurs, encore faut-il savoir lesquelles. Le meilleur synonyme de la qualité c’est le bien. Ce qui explique que cette démarche que l’on croit parfois consensuelle est le plus souvent confl ictuelle car le bien pour les uns n’est pas le bien pour les autres.

Il n’est d’ailleurs pas neutre que cette question du bien à construire par la qualité émerge aujourd’hui. On a connu une époque où l’action sanitaire et sociale était du côté du bien par essence, par postulat. Une forme d’auto-légitimation s’est longtemps manifestée dans le secteur sanitaire et social. Comme vient de le rappeler François DUBET le travail sur autrui s’est longtemps fondé sur des valeurs universelles et a véhiculé une dimension sacrée qui donnait aux professionnels une légitimité de fait. La sémantique elle-même était assez révélatrice de cette proximité avec le bien : on parlait de bienfaisance, de bienveillance, de bénévolat.

Cette légitimité proche du sacré a aujourd’hui en partie disparu. Ce n’est pas le hasard si aujourd’hui le bien doit être construit, doit être prouvé et démontré. Les professionnels sont conviés à réinterroger le sens de leur mission, de leur pratique, à accepter la nécessité de rendre compte de l’utilisation de l’argent public et à accepter une remise en cause si nécessaire. Vouloir le bonheur de l’autre ce n’est pas forcément l’obtenir : la démarche qualité se propose d’explorer de façon critique les moyens mis en œuvre par les professionnels.

1.2 L’enjeu technique

Il ne s’agit pas de succomber à l’une de ces dérives si souvent observées dans la démarche qualité consistant à privilégier une forme de gadgétisation technique faite d’analyses et de ratios et qui évacue l’éthique, la politique et la personne.

Pour autant un minimum d’outils, de techniques et de méthodes sont indispensables. En se rappelant bien évidemment que la production de soins ou de relations sociales ne peut être évaluée selon les méthodes de l’industrie.

1.3 Un enjeu économique

La démarche qualité est d’abord un enjeu économique pour le monde des consultants : un nouveau marché s’ouvre à eux et cette situation n’est pas neutre.

L’enjeu économique est aussi présent dans les relations entre les financeurs et les établissements. Il n’est pas à exclure que l’évaluation et les aspects financiers se recoupent en partie soit pour faire apparaître une insuffisance de moyens comme obstacle à la qualité soit au contraire pour faire apparaître que les prestations sont de piètre qualité eu égard aux moyens utilisés.

1.4 Un enjeu en terme d’image

Les effets de mode semblent s’être renversés ces derniers temps. Autant le secteur a pendant longtemps résisté à la démarche évaluative, autant aujourd’hui il apparaît très « tendance » de s’y lancer. Chacun peut imaginer se distinguer en mettant en avant l’évaluation bien évidemment positive de ses prestations. Une forme d’attitude ou de pensée conforme peut ainsi apparaître.

1.5 Un enjeu managérial

L’évaluation et la qualité supposent une implication forte de la direction, une bonne connaissance de la culture de l’institution. Elles sont directement liées au projet ainsi qu’à l’appropriation des référentiels par l’ensemble des professionnels.

1.6 Un enjeu culturel

Très longtemps une part importante des professionnels a résisté à l’évaluation et à la démarche qualité, mettant en avant la singularité du secteur social et médico-social. Rappelons-nous que la résistance au changement n’est pas une pathologie et que cette forme de résistance à l’évaluation était aussi un message qu’il convenait d’écouter. Les gens qui ont longtemps résisté détenaient une part de vérité, ils mettaient clairement en avant ce qu’ils souhaitaient préserver, à savoir la singularité du secteur social et médico-social.

Cette singularité existe et elle explique que le secteur social et médico-social ne s’évaluera jamais comme d’autres types d’activités notamment l’activité industrielle. La prestation de service sanitaire et social a plusieurs spécificités dont il faudra évidemment tenir compte dans une démarche d’évaluation.

La première de ces spécificités tient au fait que la relation est une interaction. Sans la participation de l’usager, du patient ou du malade, le service n’existe pas il n’est que potentiel, latent. La caractéristique de la relation de soins ou de la relation d’aides est que l’essentiel de sa qualité dépend de l’investissement de celui auquel elle s’adresse ce qui est bien sûr tout à fait atypique par rapport à bien d’autres prestations.

La deuxième spécificité tient au fait que la prestation va se réaliser et se consommer dans le même temps relationnel. En même temps elle va disparaître au moment même où elle est produite même si bien évidemment ses résultats se feront sentir à beaucoup plus long terme. Cette prestation ne se stocke pas à la différence des principales prestations notamment dans le secteur industriel : son évaluation en sera donc bien plus difficile puisque nous ne disposons pas du temps de l’analyse.

La troisième spécificité tient au fait que cette relation s’analyse presque à chaque fois comme un événement à part entière avec une très forte dose d’imprévisibilité et d’inattendu. Donc la maîtrise a priori de la relation n’est qu’illusoire. Il faudra tordre le cou à une idée souvent brillante selon laquelle la réalité pourrait se réduire à ce que l’on en écrit. Ecrire ce que je fais et faire ce que j’écris sera donc la plupart du temps un précepte inutile pour le champ social et médico-social alors que trop de démarches qualité s’inspirant du secteur industriel continuent à penser que ce conseil est utile. La plupart du temps dans la relation sanitaire et sociale il se passe précisément ce que l’on n’attendait pas et donc ce que bien sûr on n’avait jamais décrit au préalable en procédures.

La quatrième spécifi cité tient au fait que la prestation se réalise non seulement en présence de l’usager mais le plus souvent sur l’usager : elle relève très souvent du champ de l’intime elle peut donc être intrusive et touche toujours à la condition profonde de l’être humain avec tous les risques inhérents à ce constat.

1.7 Un enjeu de fidélité

Nous n’inventons pas l’aspiration à la qualité : des milliers de professionnels depuis des décennies ont souhaité faire de la qualité et très souvent y sont arrivés. Une innovation dans ce domaine ne résulte donc pas d’une quelconque modernité mais davantage de l’approfondissement du passé. Il s’agit plus modestement de creuser le sillon ouvert par d’autres et de constater que ce que nous croyons être nouveau se résume le plus souvent à ce que nous avions oublié. Il s’agit donc de s’interroger sur les défaillances de notre mémoire : comment est-il possible d’oublier la qualité ? Comment la société et l’usager peuvent ils tolérer cette amnésie ?

Une partie de la réponse réside dans le fait que la démarche qualité n’a pas de raison d’être naturellement générée par le système social et médico-social. Elle reste le plus souvent fondée sur la volonté d’éthique professionnelle de ceux qui veulent bien s’y soumettre. C’est un de ces paradoxes, c’est aussi ce qui en fait le prix : l’usager à la différence du client de l’entreprise n’a pas un statut lui permettant d’imposer la qualité. Le secteur social et médico-social est d’abord convié à une reconquête du sens et à un travail de mémoire : de quoi faut-il se souvenir quotidiennement pour qu’il soit possible de mener une action de qualité ? “De quoi faut-il se souvenir quotidiennement afin de mener une action de qualité ?”

Fin du chapitre 1

ChapII - LES PRINCIPAUX AUTEURS EN SUISSE

Jean-Pierre Tabin: Travail social et nouvelle gestion publique. EESP,Lausanne:Ecole d’études sociales et pédagogiques,

Martial Gottraux:Démarches qualité:les papiers tue-mensonges. EESP,Lausanne:Ecole d’études sociales et pédagogiques,