Les techniques d'analyse de l'activité
pour l'IHM
Principe
Selon
les auteurs de cet article, analyser l’activité c’est « mettre
en
évidence d’une part, les objets, et les actions opérées sur les objets,
nécessaires à l’atteinte du but et d’autre part, la suite des
opérations mentales supportant les choix des objets à traiter et des
actions à réaliser sur ces objets ».
L’analyse
de l’activité est essentielle dans l’approche ergonomique du
développement et de l'évaluation des interfaces homme-machine. Diverses
méthodes complémentaire permettent telle analyse : l’observation, les
questionnaires, les entretiens, la verbalisation, la technique de
incidents critiques et la technique de l’information à la demande.
L’observation
en situation écologique du comportement l’utilisateur lors de sons
activité en serait - selon ces auteurs - la technique privilégiée. Elle
consisterait en « un recueil systématique de données au cours
du
déroulement de l’activité, avec une prédominance de données issues de
comportements spontanés ». Ainsi, l’observation permettrait de
recueillir des données de nature très différente pouvant faire l’objet
d‘analyses qualitatives ou quantitatives.
Objectif
Dans
le contexte de la conception et le l’évaluation de nouveaux systèmes,
l'analyse de l'activité permet de « déterminer des
spécification
fonctionnelles permettant d'atteindre le but visé par des nouveaux
médias plus efficaces et plus conviviaux; l'introduction de nouveaux
systèmes ». Ainsi, elle permettrait de repérer les problèmes,
les
erreurs, les difficultés rencontrés dans l’interaction homme-machine
dans le but de concevoir des machines de plus en plus adaptées à
l’homme et répondant au critère d’utilisabilité.
Description
L’analyse
de l’activité en contexte de conception et d’évaluation des interfaces
hommes-machines présuppose - bien évidemment - la présence d’une
machine (par exemple un logiciel d’ordinateur) et des utilisateurs.
Ainsi cette démarche s’intéresse aux dynamiques observables lors de
l’interaction entre les usagers et la machine. Cette observation doit
se faire en situation écologique.
Les observables
Les
auteurs identifient cinq types d’observables - c'est-à-dire des
« composantes du comportement de l’utilisateur lors de son
activité » : les postures, les déplacements, la
direction du
regard, les actions informatiques et les communications. Nous allons
ainsi les présenter brièvement :
- Les
postures permettent d’obtenir des indices sur l’état des capacités
cognitives et sensorielles de l’utilisateur. Par exemple : les
frottements des yeux avec les mains pourraient traduire une fatigue
visuelle.
- Les
déplacements permettent à l’utilisateur la prise d’information et le
repos (pause). Lors de la prise d’information l’utilisateur s’engage
dans une collecte des informations nécessaires à son activité. Par
exemple, il peut demander de l’aide à un collègue. Le déplacement de
sujet peut aussi traduire une pause qui permettrait d’éviter une
surcharge de sa capacité de travail.
- L’étude
de la perception visuelle est un indicateur non intentionnel
fondamentale dans l’évaluation de la plupart d’interfaces. Il y a
plusieurs mesures qui, ensemble, permettent d’approximer l’endroit où
l’usager porte son regard : la position de la tête, la
rotation du
buste et l’orientation des yeux.
- La
quatrième observable est représentée par les actions informatiques
effectuées par les utilisateurs lors de leurs activité. Nous pouvons
par exemple observer les mouvement du curseur ou le temps passé sur une
page ou fenêtre. Il est important de déterminer « la nature de
ces
actions et leur agencement dans le temps ». En d’autres
termes, il
s’agit d’établir un « historique des trajets (la navigation)
suivis par l’utilisateur ». Il y a deux techniques permettant
de
déterminer ces séquences d’événements : 1/On peut ainsi
installer
sur un ordinateur une carte vidéo permettant de simuler l’interface
testée ou bien 2/Utiliser des logiciels permettant de capturer les
actions informatiques.
Généralement,
l’activité comporte une dimension collective où la communication joue
un rôle capitale pour la coordination des actions, la prise
d’information et la coopération. La communication peut être :
- Verbale : l’utilisateur « communique de
vive voix
avec un ou plusieurs interlocuteurs ».
- Par intermédiaire spécifique : l’utilisateur
communique à
travers le téléphone, le fax ou l’ordinateur
- Non
verbale : la communication ne se passe pas exclusivement par
le
langage verbale. En ce sens, les postures, les mouvements corporels,
les attitudes, la prosodie, les expressions faciales doivent être
analysés.
- Avec
l'ordinateur : il existe une forme de communication
unidirectionnelle entre l’homme et la machine permettant à l’usager de
réguler ses propres émotions - surtout celles négatives. De ce fait,
cette communication est souvent « symptomatique de
difficultés ».
- Avec soi même : la prise de note en serait un
exemple
Chaque
observable est caractérisé « par sa durée, le nombre de fois
où il
apparaît et sa séquence d’apparition ». Ainsi, après avoir
identifié les observables, il faut quantifier leur fréquence et leur
l’ordre d’occurrence. À partir de ce dernier on pourra mettre en
évidence des « pattern récurrents d’ordonnancement ».
Les
erreurs que l’utilisateur peut commettre lors de son travails, peuvent
renseigner sur son activité. Ainsi, Reason distingue trois types
d’erreur : 1/Les erreurs de routine (les ratés) qui résultent
d’un
manque d’attention de la part du sujet ; 2/Les erreurs fondés sur les
règles qui résultent d’une utilisation incorrecte des règles de
raisonnement et 3/Les erreurs fondés sur les connaissances qui
résultent souvent d’une « formation insuffisante de
l'utilisateur,
qui ne maîtrise pas l’outil utilisé ».
Techniques de relevés
Il
y a divers outils pour récolter les données : le classique
papier-crayon, le vidéo, le magnétophone et les enregistreurs (ou
capteurs).
- Généralement,
les relevés sont fait par la technique du papier-crayon ; une
technique particulièrement souple pouvant s’adapter à toute situation.
Le relevé informatique est beaucoup moins souple, mais il a l’avantage
d’être très pratique lors du traitement des données.
- L’utilisation
des vidéo et des magnétophones apporte des « informations
chronologiques inaccessibles par un relevé papier, ainsi qu’un
découpage temporel (…) très précis », ce qui corresponde à
leur
grand avantage. Cependant, ces techniques restent très couteuses,
surtout en termes de temps.
- Les
enregistreurs ou capteurs - quant à eux -permettent d’obtenir des
mesures en général d'ordre psychophysiologique ou anatomique. Avec ces
méthodes nous pouvons étudier l’évolution du rythme cardiaque, le
mouvement oculaire, les potentiels évoquées ou encore le diamètre de la
pupille. Ces
techniques sont très objectives et aboutissent à des mesures très
précises. Cependant « l’extrême spécificité de ces outils de
mesures peut conduire à négliger une partie de l’individu ».
De
plus, avec l’utilisation de ces méthodes rend l’activité non écologique.
Les
techniques de relevé des donnés permettent de reporter sur un support
visible les durées et les fréquences d’occurrence des observables. Ce
support est indispensable car il rend possible toute analyse
quantitative ou qualitative ultérieure. Ainsi, il y a diverses
techniques de relevé des donnés, chacune comportant notamment des
avantages et des pertes :
- Les
grilles : « est constituée de deux dimensions, l’une
répertoriant les observables, l’autre représentant l’échelle du
temps ».
- La description narrative : « consiste en
un texte
décrivant la succession d'actions réalisés »
- Les
scripts: « l'activité est décrite de manière narrative sous
forme
de script, c'est-à-dire selon un enchaînement d'actions
spécifiques ».
Pour
des exemples de ces trois techniques de relevé, voir chapitre
« Exemples concrets ».
Données obtenues et
traitement
Les
données obtenue à travers l’observation de l’activité peuvent être de
nature qualitative et quantitative suivant : la nature de
l’observable analysée et la technique de relevé utilisée. Ainsi les
données peuvent être présentés en termes de « graphes
d’activités ». Ces derniers « rendent compte du
déroulement
temporel des observables sélectionnés ». De plus, il rendent
possible « la représentation de quasiment toutes les
informations
extraites d’observations systématiques (durée, transition,
simultanéité), permettant ainsi la sélection d’indicateurs pertinents
de la tâche ou de la situation de travail étudiée. Ces graphes sont
difficiles à construire : en effet, ils impliquent une grande
préparation et une méthode de relevé précise, systématique. Plusieurs
paramètres peuvent être prises en compte pour construire tels
graphiques :
- Les
récurrences d’événements : cet indicateur consiste à
« relever le nombre d'occurrences d'événements, sans
nécessairement prendre en considération la durée ou d'autres
caractéristiques temporelle de ces événements »
- Les durée des états: cet indicateur « informe de
la durée des
actions réalisées ».
- Les
séquences d'états ou d'événements: cette typologie d’indicateur
permette - entre d’autres - de mettre en évidence certaines relations
(causalité, contextualité, séquence) entre événements. Les auteurs
mettent ainsi en évidences trois types d’analyse :
- Technique
de découpage : consiste à « effectuer un découpage
temporel
de l’ensemble de l’activité, ou de ses procédures, selon des
intervalles de temps plus ou moins grands ».
- Technique
progressive dont l'objectif est « d'analyser l’apparition de
chaque événement constitutif de l’activité ». Pour faire cela,
« on parcourt progressivement (étape par étape) le protocole
d’activité, en cherchant à déterminer pour chaque étape comment et
pourquoi se produit le pas suivant.
- Technique
comparative: technique qui consiste à « comparer les éléments
constitutifs d'activités analogues afin d'en extraire les invariants,
les variations et les facteurs de variations ». Par exemple,
on
peut comparer l’activité des groupes différents groupes d’utilisateurs
(novices vs. experts).
Pour
des exemples de graphes d’activité, de la technique de découpage et de
la technique progressive, voir chapitre « Exemples
concrets ».
Avantages et Limites
Les
avantages et les limites de chaque méthode ont été cités auparavant -
voir chapitre « Description ». Ici nous nous
intéresserons
plutôt à une analyse critique plus générale portant sur l’analyse de
l’activité et l’observation.
Avantages
- Ces
méthodes permettent de recueillir une grande quantité d'informations
variée : il y a beaucoup de techniques, des méthodes et
d’outils
permettant de répondre à des objectifs et à des but variés.
- L’observation
liée à l’analyse de l’activité est écologique : elle se passe
en
contexte réel et non pas en laboratoire. Cependant, nous l’avons déjà
mentionné, les mesures psychophysiologiques peuvent rendre l’activité
observée non écologique. Ces méthodes comportent donc une source de
biais.
- L’observation
permet de formuler des hypothèses sur les activités cognitives de
l’usagers. Elle permet ainsi d’avancer des modèles de l’activité et du
comportement humain. Ces derniers permettent notamment de comprendre le
comportement de l’utilisateur.
Limites
- La
simple observation du comportement ne permet pas d’inférer sur
l’activité cognitive. Ainsi, pour valider les hypothèses et les modèles
issus de l’observation, il faut mettre en place des nouveaux protocoles
expérimentaux par la suite.
- L’observation
risque d’être intrusive et d’altérer notamment le comportement des
usagers : « toute observation perturbe le phénomène
observé ».
Exemple concret
Toute
interaction entre homme et machine peut être étudiée par ces méthodes.
Par exemple nous pouvons explorer le comportement de l’usagers en
interaction avec un logiciel d’ordinateur en phase de conception. On
évaluera par exemple :
- La direction du regard sur l’écran (par exemple avec un
oculomètre)
- Les nombre d’occurrences de chaque événement
(Exemple : en une
heure l’usager a cliqué cinq fois sur l’icône X)
- La duré d’états (Exemple : en une heure
l’utilisateur
a passé quinze minutes sur le menu Y)
- Toute sorte de communication (verbale, non
verbale, avec
l’ordinateur)